Rencontre avec Pascale de la Frégonnière, Directrice de Cartier Philanthropy

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Pascale de la Frégonnière a rejoint Cartier en juillet 2013 pour diriger Cartier Philanthropy, une fondation dédiée à l’amélioration des conditions de vie des plus vulnérables. Rencontre avec une femme discrète, dévouée à la cause humaine.
Après quelque vingt années passées dans le secteur humanitaire et du développement au sein des Nations Unies, l’Unicef et l’Unesco, Pascale de la Frégonnière a été choisie par Cartier pour mener à bien les missions de Cartier Philanthropy. Durant ses cinq années à la tête de la fondation, elle a défini la philosophie, la stratégie et le modus operandi de ses différentes actions à travers le monde. Une approche axée principalement sur les résultats, comme elle nous l’explique dans cette interview accordée lors de son passage à Casablanca le mois dernier.
 
Entre philanthropie et charité, pas facile de s’y retrouver. Quelle est la philosophie de la fondation ?
C’est important de faire la différence. Ce que la maison Cartier a cherché à faire en créant cette fondation, c’était justement d’avoir une action philanthropique très professionnelle. Quand on parle de charité, on essaye de faire le bien de manière assez rapide. Cela fait penser à cette envie de toujours se donner bonne conscience, mais on suit rarement les projets. Nous, nous sommes vraiment à la recherche de l’impact qu’on va pouvoir créer. Tout comme une entreprise va vouloir avoir un retour sur investissement, on va rechercher l’impact social. Et à travers la philanthropie, c’est l’amour de l’humain qu’on privilégie, avec une question directrice : “Comment peut-on améliorer la vie des gens et de quelle façon ? ” La réponse est assez simple : en comprenant leurs besoins, en apportant les réponses adaptées et en s’assurant que, lorsque l’on met en place des initiatives de soutien, elles soient les meilleures possibles pour qu’au final leur vie soit améliorée. C’est ce qu’on essaye d’étudier et de mesurer le plus possible à travers les partenaires que nous soutenons.
 
Sur quels critères décidez-vous de soutenir tel ou tel partenaire ?
Notre action est déclinée en quatre axes dont le premier est l’accès aux services de base (santé, éducation, nutrition, accès à l’eau). Le deuxième repose sur le développement économique et social des femmes. Le troisième sur la gestion responsable des ressources naturelles et le quatrième axe concerne les urgences humanitaires. À partir de là, on regardera si l’on peut travailler avec les organisations locales sur ces thèmes-là pour ensuite entamer l’identification des besoins. Exemple : si on décide d’une action en Ouganda ou au Sénégal, on étudiera les solutions proposées par les ONG locales. Notre travail va s’attacher à voir quelle est la solution proposée avec des questions simples : est-ce que cette solution fonctionne ? Est-ce qu’elle a donné les résultats attendus ? Est-ce que les enfants apprennent mieux à l’école ? Après avoir passé en revue ces questions, nous allons faire un gros travail pour nous assurer que ces organisations utilisent bien les financements qu’on leur accorde, qu’elles n’ont pas des overheads, c’est-à-dire des coûts de fonctionnement trop importants. Ce sont des choses auxquelles nous sommes très attentifs. Un autre point important à mes yeux est de savoir quels sont les résultats qu’on peut attendre lorsque nous accordons un financement. Ce n’est pas tant le montant qu’on va donner, mais ce qu’on va faire de cet argent. On va donc essayer de mesurer le coût -efficacité sur l’intervention proposée. Ce sont ces différents critères qui sont très importants à nos yeux.
Et vos actions visent-elles des secteurs en particulier ?
Oui, quand on parle d’améliorer les conditions de vie, on se dit qu’au départ si on n’est pas en bonne santé, on ne peut pas aller à l’école et si on ne va pas à l’école, on n’aura pas les mêmes chances d’accéder plus tard à une vie agréable… On essaye donc d’agir sur des secteurs qui peuvent vraiment permettre aux personnes de se prendre en main, de leur donner les conditions pour assurer leur avenir. Et la plupart du temps, on parle souvent de choses qui sont vraiment très basiques dans les pays dans lesquels nous travaillons.
 
Vous êtes une femme de terrain et vous avez mis votre riche expérience dans l’humanitaire au service d’une grande Maison de luxe. Comment est perçue cette évolution dans votre entourage ?
C’est intéressant parce que c’est vrai que j’ai travaillé durant 25 ans avec les Nations Unies, l’Unicef, l’Unesco. Notre terrain, c’était l’Irak, la Somalie, le Liban, la Jordanie, le Kenya… Quand j’ai accepté de prendre en main  Cartier Philanthropy, certains de mes anciens collègues m’ont dit “Mais comment, toi, tu pars travailler pour une Maison de luxe ? ” Tout cela avec beaucoup d’a priori. Pour moi, ce qui était vraiment intéressant -et ça a fait l’objet de discussions que j’avais eues avec Cartier au départ -, c’était de comprendre si j’allais avoir les moyens de faire mon travail. Cartier a mis des moyens importants au service de cette fondation en recrutant des experts et des professionnels, comme ils le feraient dans n’importe quel secteur de l’entreprise. C’est là où j’ai trouvé que la démarche était extrêmement intéressante. Il est vrai qu’aujourd’hui, j’ai une grande latitude : j’ai un conseil d’administration qui valide mes propositions pour aller plus en profondeur et s’assurer que les projets soutenus vont permettre d’avoir un vrai impact social pour ces populations qui en ont besoin.
 
Vous semblez très impliquée dans les projets. Allez-vous encore sur le terrain pour vérifier que tout fonctionne bien ?
Effectivement, cela représente une partie intégrante de mon travail et cela me permet de prendre le pouls de ces situations, de rencontrer les équipes de terrain et les ONG qu’on soutient. Partager quelques journées avec elles sur place permet de comprendre la complexité des situations, de travailler avec certaines populations, de voir comment au bout de plusieurs mois on peut commencer à faire changer certaines perceptions, sans parler encore de changement de mentalités qui prend beaucoup de temps. Se rendre compte de cette complexité est extrêmement important pour mener à bien notre action et faire les bons choix.
 
Des projets à venir ?
Oui, toujours des projets extrêmement passionnants, car quand on prévoit de financer des projets, on se dit qu’on va apporter de l’espoir quelque part. En ce moment, je réfléchis à soutenir un projet de développement de semences de maïs bio fortifié pour permettre aux populations d’Amérique centrale de ne pas souffrir de malnutrition chronique. L’alimentation est suffisante, mais elle est très pauvre et à travers la culture de maïs bio fortifié, on va fournir aux populations suffisamment de protéines et de nutriments nécessaires à leur bonne santé. On espère par la suite faire passer ce projet à une plus grande échelle pour permettre à ces populations de se développer beaucoup plus vite et mieux.
 
Vous avez aussi beaucoup de projets en Afrique subsaharienne, mais pas encore au Maghreb…
Effectivement notre action s’est vraiment concentrée, et c’était un parti pris au départ de se dire qu’on allait travailler là où les besoins étaient les plus importants, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Je pense que l’Afrique subsaharienne correspond à peu près à 55 voire 60 % des financements que nous avons pour l’instant investis. Il est vrai aussi que nous réfléchissons sur le Maghreb, à voir quels seraient les projets que nous pourrions soutenir. Comme dans tous pays, il y a des zones particulièrement vulnérables au Maghreb aussi et c’est à celles-ci qu’on essaiera de s’attacher mais il est encore trop tôt pour vous en parler. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous avons un projet au Maroc sur lequel nous réfléchissons.
Propos recueillis par Driss Douad
 
 
 
 

Libérer le potentiel de chacun

Créée il y a tout juste cinq ans à Genève, Cartier Philanthropy est une fondation qui a marqué un moment charnière dans l’engagement philanthropique de Cartier. Après avoir soutenu de multiples initiatives caritatives pendant plusieurs années, la Maison a adopté une approche rigoureuse axée sur les résultats pour un impact durable.
La fondation s’engage ainsi à améliorer les conditions de vie des plus vulnérables dans les régions les plus pauvres du monde.
Son credo : libérer le potentiel de chacun. Ses objectifs : pallier le manque de ressources, de connaissances et de services de base, les inégalités extrêmes et la limitation des droits pour permettre à chacun – et en particulier les femmes et les enfants – d’agir, de prospérer et de vivre une vie digne.
Agissant en totale indépendance de l’activité commerciale de la Maison Cartier, la fondation accorde des financements à des organisations à but non lucratif à fort impact, expertes dans leur domaine de compétence et qui interviennent dans des domaines précis : accès aux services de base (eau & assainissement, éducation, santé et nutrition), développement social et économique des femmes, gestion responsable des ressources naturelles, réponse et préparation aux situations d’urgence.
Au cours des cinq dernières années, Cartier Philanthropy a investi 45 millions de francs suisses en s’associant à plus de 30 organisations à but non lucratif (ONG, agences des Nations Unies et entreprises sociales) qui s’attaquent aux problèmes sociaux les plus urgents dans les régions les moins développées.
Infos : www.cartierphilanthropy.org

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