Marie-Laure Cérède (Cartier): "La Santos est une montre universelle”

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Marie-Laure Cérède, Directrice de la Création Horlogerie chez Cartier.

Lors du SIHH 2018, Cartier a présenté une version revisitée de la Santos, véritable légende née en 1904. Marie-Laure Cérède, Directrice de la Création Horlogerie chez Cartier, nous dévoile le secret de ces icônes intemporelles remises au goût du jour par Cartier.

Vous êtes Directrice de la Création Horlogerie chez Cartier. Eclairez-nous sur votre rôle exact?
Marie-Laure Cérède: Depuis mon arrivée à ce poste, en mai 2017, je m’occupe de la création de tout le spectre horloger de Cartier: cela concerne autant les montres féminines que masculines. Je dirige une très jolie équipe composée de designers brillants et agis en quelque sorte comme un chef d’orchestre. Mon rôle est avant tout d’impulser le style sur la base de ce qui est présent au sein du patrimoine Cartier, tout en collant à l’air du temps. Pas d’un point de vue mode- Cartier ne sera évidemment jamais une maison de mode- mais d’un point de vue «pérennité». Quel ton veut-on donner à nos icônes qui sont revisitées comme la Santos cette année? C’est le type de questions que l’on se pose. Dans ce cadre, mon équipe et moi-même travaillons en étroite collaboration avec les manufactures que l’on challenge en permanence au niveau technique, afin d’arriver à obtenir le design de la première intuition. Car c’est souvent la bonne. On est en permanence à la recherche du sens, de l’émotion authentique.

On le voit cette année au SIHH, la créativité est très présente chez Cartier avec le retour de plusieurs icônes.
Effectivement, cette année nous présentons par exemple Cartier Libre, qui est une plateforme d’expression libre de la créativité Cartier. Ce qui est intéressant avec cette collection, c’est de voir l’émergence des Collectionneuses depuis sa naissance en 2002. Les femmes, au même titre que les hommes sur des grandes complications, par exemple, ont commencé à collectionner des montres. On revient donc cette année avec une collection inspirée par la Baignoire, notre montre iconique, que l’on a voulu «stretcher» de manière assez radicale sous différentes formes.
L’autre surprise, c’est le succès de la Crash
qui ne se dément pas.
On adore la Crash. Et on a voulu la “re-Crasher” cette année. On a souligné sa forme totalement extravagante tout en restant fidèle au premier modèle en termes de volumes. La forme parfaite de la Crash a été soulignée plusieurs fois sur la lunette avec une gravure à la main, avec un aspect un peu patiné, un peu vintage, qu’on va retrouver à l’intérieur du cadran pour un effet hypnotique. Je pense qu’il est très intéressant de voir, une fois encore, l’équilibre entre la modernité et le patrimoine sur ce type de pièce.
 
Et concernant la Révélation d’une Panthère?


Avec cette montre, on est dans le domaine du fantasme. Nous avons 900 billes d’or qui graduellement vont tomber sur le motif du cadran et dessiner une tête de panthère. C’est une émotion très naturelle quand on la regarde: l’émotion d’une révélation. Tout cela a nécessité un développement de cinq années pour aboutir à cette technique incroyable : il faut bien imaginer que sur ce type de création, on a passé des heures à se demander quelle était la vitesse idéale du tomber de la bille… On ne voulait que cela tombe de manière brutale, mais au contraire que ce soit extrêmement sensuel, car je crois que la sensualité fait partie de la féminité chez Cartier. C’est assez magique. C’est vraiment une belle réussite, et avant tout le fruit d’un travail collectif avec les techniciens et les experts de la Maison.
Une autre icône qui arrive avec de nouvelles versions, c’est la Panthère et son bracelet double ou triple tour.

Effectivement, et c’est tout à fait inspirant pour la création que de faire évoluer une montre comme Panthère. Le design du bracelet Panthère est parfaitement iconique, tout à fait unique à Cartier. Extrêmement souple. Je dirais même reptilien. Dans son ondulation, il rappelle le mouvement de l’animal et on a voulu le transformer en double et triple tours cette année, avec pour mission d’érotiser le poignet. On oublie presque que l’on porte une montre, car on porte aussi un bijou. C’est important comme message pour la Maison :
c’est vraiment le bijou avant la montre, et cela a nécessité tout un travail sur les petits détails. Pour respecter le design du maillon, on a dû travailler sur une autre manière de l’emmailler afin d’obtenir cette totale flexibilité pour le double et le triple tour. C’est assez incroyable, mais c’est l’image que j’ai de la signature Cartier en matière de design: ce tout indivisible entre le style et l’intimité au porter, la fluidité…
Après la Drive, il y a deux ans, l’accent a été mis cette année à nouveau sur l’homme avec la Santos.
Nous sommes avant tout une Maison féminine mais ce n’est pas pour autant que l’homme n’a pas sa place, car je crois en la singularité du positionnement de Cartier et son élégance masculine dans le luxe horloger. Sur les montres masculines, nous donnons du sens au design avec un style qui prévaut sur la technique et qui fait la part belle aux montres de formes.
 
Quelle a été l’idée directrice qui a conduit
à remettre au goût du jour cette montre iconique?

D’un point de vue créatif, on imagine souvent qu’il est simple de revisiter une icône, mais c’est tout l’inverse. Santos est une montre connue de tous nos clients mais aussi de manière générale. C’est un des codes Cartier reconnaissables immédiatement. Je dirais donc que c’était un challenge émotionnel fort, car dès que vous touchez la moindre petite ligne d’une icône, tout change. La seule manière de procéder, c’est de se demander ce que l’on veut véhiculer comme message. On avait envie d’avoir un “tout indivisible” avec un style parfaitement élégant, mais aussi un volume et une harmonie exceptionnels. On a retravaillé la montre en respectant son style pour l’inscrire dans la modernité, et c’est une belle réussite.

Comment décririez-vous l’homme à qui s’adresse la Santos?
La Santos est une montre universelle. L’homme Cartier fait preuve d’une élégance singulière, une distinction et est aussi engagé dans ses choix de style. En horlogerie, c’est un homme qui va avant tout s’intéresser à l’émotion du style avant de s’intéresser à la technique, qui est justement au service du style. C’est en cela qu’on est tout à fait
singulier. Ensuite, le devoir de Cartier en tant que Maison est d’offrir une technique extraordinaire. C’est ce qu’on a travaillé en deux temps. Au niveau du style, pour l’inscrire dans la modernité, il a fallu simplifier l’ensemble. Concrètement, on a commencé par la lunette. Sur l’ancienne Santos, la lunette était posée comme une applique sur la boîte. On a alors choisi d’intégrer parfaitement la lunette dans la boîte sur l’axe 6h-12h, afin qu’elle se fonde avec la boîte et permette de poursuivre de manière parfaite le bracelet.
Le deuxième point important qui va dans le sens du luxe actuel, était d’avoir un profil effilé et plutôt fin pour une forme extrêmement compacte. Le protège-couronne fait aujourd’hui partie de la boîte, après avoir été extrêmement simplifié. Enfin, ce qui contribue à la modernité de l’ensemble et qu’on voyait peu dans l’ancienne Santos, c’est ce biseau diamanté qu’on a volontairement élargi et rendu plus agressif pour souligner la forme carrée du boitier. Après le style, passons à l’ergonomie. Le client aujourd’hui veut pouvoir avoir plusieurs montres en une, avec différents portés possibles.
On s’est donc inspiré de la réussite de la Roadster qui permettait une interchangeabilité de son bracelet. Sur la Santos, on a mis en place ce mécanisme invisible à l’arrière du bracelet, appelé QuickSwitch, qui est très discret et pour lequel on a déposé un brevet. Avec ce système, on peut très simplement enlever le bracelet métal et le remplacer par
un cuir. Autre nouveauté, la possibilité d’ajuster son bracelet métal soi-même et sans outil, d’une manière extrêmement fluide grâce au système de mise à taille SmartLink («maillon intelligent»). Un petit bouton poussoir sous le bracelet permet de retirer ou de rajouter tout simplement un maillon pour l’ajuster à son poignet.
Quelle est votre recette pour séduire un public jeune tout en restant fidèle aux codes Maison?
L’art de revisiter une icône, c’est d’arriver à une certaine universalité qui réponde aussi bien aux attentes de nos clients qui ont porté une Panthère ou une Santos, il y a plusieurs années qu’aux besoins de leurs enfants. C’est un vrai sujet et je pense que Panthère, avec l’exercice de création avec le bracelet double et triple tour, est un bon exemple d’une montre qui va séduire une génération plus jeune, plus sensible à
un nouveau mode de porter, tout en restant fidèle au design d’origine.
Comment imaginez-vous l’évolution du style Cartier dans les années à venir?
Je parlerais en termes de valeurs: pour le féminin, ce serait très clairement de la sensualité, du charisme et une sorte d’élégance inconventionnelle. Ça c’est Cartier. Au masculin, je vous répondrais la même chose que précédemment: c’est un sens du style, avec une distinction engagée où la technique est au service du style.
Votre coup de coeur?
C’est une question très difficile pour moi… Je porte une Panthère, mais j’aime également porter d’autres montres. Je dirais la Panthère bracelet double tour, mais j’adore aussi la Santos en grand modèle, qui est tout à fait en ligne avec l’histoire de Cartier. Et puis la Crash Radieuse. Quand on est à la création, il est difficile de choisir! On raisonne plutôt avec l’émotion, donc, effectivement, si je pense en termes de bijou, le bracelet double ou triple tour de la Panthère est extraordinaire car j’oublie que je porte une montre. D’un autre côté, ce que j’apprécie avec la Crash Radieuse, c’est son ton d’humour un peu second degré que l’on fait revenir de façon sympathique, quasi surréaliste, au sein de la Maison.
 
 
La naissance d’une icône

La saga de la montre Santos de Cartier est probablement l’une des plus célèbres du monde horloger. Tout a commencé au tout début du XXe siècle, lorsque l’heure se lisait encore sur de grosses montres tenues par une chaînette que les messieurs élégants sortaient de la poche de leur gilet. Si le geste était distingué, il avait pour inconvénient de mobiliser à la fois la main et l’oeil, ce qui n’arrangeait guère certaines personnes comme les pionniers de l’aviation, obnubilés par l’ambition de faire décoller leurs fragiles aéronefs, au péril de leur vie. Alberto Santos-Dumont, jeune dandy brésilien vivant à Paris, était l’un de ces risque-tout. Lors d’une soirée organisée chez Maxim’s, l’un des restaurants les plus en vue de la capitale, il rencontra une autre figure du Paris mondain, Louis Cartier, et lui demanda s’il pourrait concevoir une montre «différente» et surtout plus pratique. L’horloger joaillier écouta cette requête et promit de réfléchir à la question. L’idée lui vint quelques mois plus tard, en 1904. Et le 12 novembre 1906, dans le parc de Bagatelle, lorsque Alberto Santos-Dumont réussit, à bord de son biplan, un vol d’une durée de 21 secondes sur une distance de 220 m, à la vitesse de 41,3 km/h, il portait au poignet l’invention de Louis Cartier: un modèle de forme carrée baptisé naturellement « Santos». La première véritable montre-bracelet de l’histoire.
 
Cartier. Place des Nations Unies, Boulevard Moulay Hassan 1er, Casablanca.
Tél. 05 22 43 12 12

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