Sucre, écrans, travail… les Marocains sont-ils tous accros?

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La dépendance aux jeux vidéo est désormais reconnue comme une addiction par l'OMS. (Illustration AFP)

L’interminable confinement a eu pour conséquence une nette explosion des pratiques addictives au Maroc. Cet effet Covid ne s’est pas atténué avec le temps. Et l’addiction ne semble plus limitée à la consommation de substances. Peut-on être accro à n’importe quoi? Finalement, sommes-nous tous accros à quelque chose?

Rivé à son écran, Ali, 19 ans, ne sort presque plus de sa chambre, passant ses nuits et ses jours à jouer sur internet. Charqi, 45 ans, ne peut se passer du Kif et c’est sa femme qui bosse. Lui n’arrive pas à garder un boulot. Khadija, 30 ans, diabétique, continue d’abuser des pâtisseries et autres douceurs au risque de provoquer des complications. Leur point commun? Tous trois sont des addicts : leur vie tourne autour de leur drogue. L’addiction ne se résume plus à l’utilisation de produits psychoactifs que sont le cannabis, l’alcool et le tabac. Elle englobe aussi diverses dépendances sans substance (au travail, au jeu, et même aux achats…).

Lire aussi. Conduites addictives: plus de 1,5 million de Marocains accros aux jeux d’argent (Rapport)

Selon le rapport du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) “faire face aux vis conduites addictives: état des lieux & recommandations”, les addictions ont explosé au Maroc depuis le premier confinement, et elles prennent toutes sortes de formes, de couleurs et d’intensité. “A l’instar de l’ampleur du phénomène et de la gravité des effets des conduites addictives au niveau mondial,(…) une revue de leurs différentes manifestations révèle que le phénomène est également répandu et multiforme au Maroc”, affirment les rédacteurs du document.

Le plus inquiétant, c’est qu’au Maroc, les addictions représentent un business juteux qui rapporte gros y compris et surtout à l’Etat. Elles génèrent un chiffre d’affaires de 32,19 milliards de dirhams, soit près de 3% du PIB et 9,1% des recettes fiscales. Les impôts et les taxes générés par la vente du tabacs, de l’alcool et des jeux pèsent environ 8% des recettes totales de l’Etat, à peu près l’équivalent du total des recettes fiscales de la direction des entreprises publiques et de la privatisation (19,9 milliards de dirhams au titre de la loi de finances de 2021), le tiers des recettes au titre de l’Impôt sur les Sociétés, ou bien 5 fois les versements en 2020 de l’OCP à l’Etat.

Addictions
Répartition des recettes fiscales générées par les produits addictifs. (Infographie H24info)

Ces chiffres ne prennent pas en compte les dépenses en consommation de médicaments (anxiolytiques, somnifères, etc.) ni les chiffres d’affaires des casinos. Ils ne prennent par définition pas non plus les chiffres d’affaires de la production du cannabis estimés, pour les exploitants, à quelque 3,25 milliards de dirhams.

“Au Maroc, malgré l’existence d’une stratégie nationale de lutte contre les addictions et l’avance du Royaume par rapport à la région MENA, la réponse collective et les politiques publiques en la matière demeurent insuffisantes, dominées par une approche répressive, fondée sur un cadre légal désuet et le non protecteur”, déplore le CESE.

Tout le monde connaît les effets des dépendances aux substances psychoactives, qu’il s’agisse du tabac, du cannabis, ou autres drogues. Ce rapport lève aussi le voile sur les dépendances qu’on risque de sous-estimer. Écrans, achats compulsifs, travail, sucre…

Dépendance au travail ou «workaholisme»

Il y a tendance à sous-estimer et à méconnaître les risques pourtant réels des conduites addictives qui peuvent prendre différentes formes en milieu professionnel. Ceci peut se traduire par l’apparition de dépendances comportementales à l’égard de l’activité professionnelle connues sous les vocables de «workaholisme» (dépendance au travail) ou « techno-dépendance » qui renvoie à l’utilisation inadéquate ou abusive des technologies de l’information (internet, téléphone, agenda électronique). Cet état pathologique induit stress, surmenage et parfois, au harcèlement professionnel à l’égard des collaborateurs. Cette addiction est d’autant plus dangereuse qu’à la différence des autres types d’addiction, elle renvoie à une image positive de la personne dépendante. 

Sucre, cette autre poudre blanche

Addiction
Proportion des Marocains atteints de maladies liées à l’excès de sucre. (Infographie H24info)

D’un volume annuel total estimé à 1,2 million de tonnes, la consommation de sucre au Maroc est une des plus élevées au monde avec 35 kg par habitant et par an. Une consommation modérée de sucre correspond de 6 à 8 cuillères à café de sucre par jour (soit 30 à 40 grammes), selon l’American Heart Association et de 6 à 12 cuillères à café par jour selon l’OMS (30 à 60 grammes par jour). Or, les Marocains en consomment en moyenne près de 100 grammes par jour. Ce niveau est d’autant plus préoccupant qu’il s’observe au Maroc dans un contexte où les maladies non-transmissibles représentent 80% des causes de décès (contre 71% au niveau mondial) dont 37% de décès prématurés 70.

Quand le sport devient une drogue

Si la pratique du sport est bénéfique en termes de santé et de bien-être psychosocial des individus, sa fréquence et son intensité mal maîtrisées jusqu’à l’excès peuvent générer des conduites addictives comportementales connues sous le nom de «bigorexie». La bigorexie est reconnue en tant que maladie par l’OMS depuis 2011.

Ces jeunes accros aux jeux vidéo

Au Maroc, l’utilisation excessive d’Internet et les addictions aux jeux en ligne commencent à être analysées, dans le cadre d’études d’observation. Selon une étude, portant sur des adolescents âgés de 13 à 19 ans, les usages les plus massifs concernent les réseaux sociaux (93,1%), le visionnage de films (89,2%). Les jeux en ligne représentent 43,1% des usages, les jeux de hasard 7,8%. Il ressort, par ailleurs, de cette étude que 40% ont un usage problématique à internet et environ 8% sont en situation d’addiction.

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