Les Irakiens dans la rue, sous une pluie accrue de tirs et de lacrymogènes

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Les Irakiens dans la rue, sous une pluie accrue de tirs et de lacrymogènes, à Baghdad, le 10 novembre 2019. © AFP / SABAH ARAR

Plusieurs dizaines de manifestants ont été blessés dimanche dans des heurts avec les forces de l’ordre qui tiraient dans le centre de Bagdad devenu un champ de bataille, la mobilisation se maintenant malgré le risque, selon Amnesty International, d’un « bain de sang ».

La contestation, lancée le 1er octobre et réclamant la chute d’un pouvoir jugé corrompu et incompétent, a un temps semblé faire trembler les autorités. Mais après plus d’un mois –et 319 morts selon un bilan officiel annoncé dimanche–, leurs rangs sont plus resserrés que jamais.

La majorité des forces politiques se sont même entendues pour en finir avec les manifestations qui conspuent les dirigeants et le puissant voisin iranien, considéré comme l’architecte du système politique irakien rongé par le clientélisme.

Après cet accord pour un « retour à la vie normale », les forces de sécurité ont intensifié la répression dans un pays coupé du monde depuis une semaine, sans internet ni réseaux sociaux.

Sur la place Khallani, proche de l’emblématique place Tahrir de Bagdad, des vagues de manifestants couraient sous les tirs dans un nuage de gaz lacrymogène, tandis qu’un ballet d’ambulances et de touk-touks transportaient des dizaines de blessés.

Entre deux charges, les manifestants s’attelaient à faire tomber les blocs de béton installés par les autorités pour couper Khallani de Tahrir, épicentre de la contestation où des centaines de manifestants se trouvent toujours, a constaté un journaliste de l’AFP.

« Je veux mon pays! »

Au milieu de la cohue, un manifestant affirme être décidé à rester, quoi qu’il lui en coûte. « Je ne suis pas là pour réclamer un emploi ou de l’argent, je veux seulement mon pays », lance-t-il.

« Les dirigeants n’ont aucune loyauté pour le pays, ils font allégeance à l’Iran ou aux Etats-Unis », les deux puissances qui se disputent l’influence sur l’Irak depuis des années.

« Ca fait 16 ans que les autorités ne font rien et maintenant ils nous tuent de sang-froid ! Dégagez ! Ca suffit ! », s’époumone encore le jeune homme.

Samedi, de source médicale, neuf manifestants avaient été tués dans la capitale. Certains par des balles et d’autres touchés au visage par des grenades lacrymogènes dénoncées comme non-réglementaires car de type militaire et pesant dix fois plus qu’ailleurs dans le monde.

 

Lire aussi : Les forces irakiennes reprennent trois ponts de Bagdad aux manifestants

 

La Commission parlementaire des droits humains a réclamé des comptes aux autorités, assurant que les tirs venaient de snipers postés sur des toits et que des blessés avaient été touchés par « des tirs de grenaille et des armes de chasse ».

Pour des défenseurs des droits humains et la communauté internationale, les autorités portent la responsabilité des dizaines de morts. Car, si elles assurent ne pas pouvoir identifier les snipers, elles sont incapables de protéger les citoyens de leurs tirs.

Samedi avant l’aube, les forces de l’ordre ont chassé les manifestants de camps de fortune sur trois ponts proches de Tahrir, faisant redouter une entrée en force sur la place.

Dans la ville pétrolière de Bassora (sud), où trois manifestants ont été tués samedi, les forces de l’ordre empêchent désormais toute manifestation après de nombreuses arrestations.

A Nassiriya (sud), elles ont pourchassé des médecins qui avaient manifesté jusque dans un hôpital pédiatrique et y ont tiré des grenades lacrymogènes, a indiqué à l’AFP le responsable provincial de la Santé. « Nous avons dû transférer des enfants hospitalisés vers un autre hôpital pour les garder en vie », a-t-il ajouté.

Alors que les médecins se disent de plus en plus en danger après des morts et des enlèvements, à Bagdad, un journaliste de l’AFP a vu une grenade lacrymogène tomber devant la porte ouverte d’une ambulance dont tout le personnel a aussitôt suffoqué.

« Bain de sang »

Avec un jeune sur quatre au chômage et un habitant sur cinq vivant sous le seuil de pauvreté, les manifestants assurent qu’ils poursuivront blocages et désobéissance civile tant qu’ils n’auront pas obtenu « leur part du pétrole » en Irak, deuxième producteur de l’Opep.

Le mouvement qui réclamait au départ emplois et services publics fonctionnels, veut désormais une refonte totale système politique.

 

Lire aussi : L’Irak en grève « jusqu’à la chute du régime »

 

« Le bain de sang doit cesser », a martelé Amnesty International, alors que les plus hauts dirigeants du pays assurent avoir interdit tout usage « inconsidéré » de la force et les balles réelles.

Aux violences –qui ont fait plus de 12.000 blessés depuis le 1er octobre– s’ajoute ce que beaucoup appellent désormais la « nouvelle république de la peur » en Irak, sorti en 2003 de décennies de dictature de Saddam Hussein.

Militants et médecins soutenant les manifestants se disent visés par une campagne d’intimidation menée par les forces de l’Etat et des groupes armés.

L’ONU assure recevoir « chaque jour des informations sur des manifestants tués, enlevés, arrêtés arbitrairement, passés à tabac ou intimidés ».

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