Le boycott relance le débat sur les liens entre politique et business au Maroc
Publié le Par H24Info.ma avec AFP
Plus d’un mois après son lancement, une campagne de boycott inédite et mystérieuse contre le lait, l’eau et le carburant vendus par trois marques célèbres a relancé un vieux débat au Maroc sur la collusion entre les affaires et la politique.
Se répandant comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux, cette campagne dont les promoteurs sont inconnus vise les stations-service Afriquia, l’eau minérale Sidi Ali et le lait Danone, leaders dans leur secteur d’activité au Maroc. Objectif affiché par le mouvement: une baisse des prix.
Malgré les efforts de communication de ces marques pour endiguer le mouvement, l’AFP a constaté dans plusieurs villes marocaines que les effets du boycott étaient visibles dans des cafés, des commerces ou des stations-essence Afriquia désertées. Les entreprises concernées n’ont pas communiqué sur les pertes enregistrées.
Selon un sondage du cabinet Sunergia publié cette semaine par le quotidien L’Economiste, 57% des 3.757 personnes interrogées par téléphone affirment boycotter ces produits, principalement dans les classes moyennes.
Le groupe Afriquia, un des trois particulièrement visé par la campagne appartient au milliardaire Aziz Akhannouch qui est aussi ministre de l’Agriculture depuis 2007. L’homme le plus riche du Maroc préside aussi le Rassemblement national des indépendants (RNI, libéral), un parti de technocrates créé en 1978 sous l’impulsion du père du roi Mohammed VI, Hassan II. M. Akhannouch est considéré comme l’homme fort du gouvernement.
Le mouvement porte « un message symbolique adressé par les classes moyennes contre la mainmise d’acteurs politiques à la fois sur les champs politique et économique », décrypte pour l’AFP le politologue Aziz Chahir.
Pour un autre politologue, Ahmed Bouz, la campagne témoigne d’une « prise de conscience de la nécessité de séparer la politique des affaires ».
« C’est toute la gouvernance d’une économie minée par la rente, la corruption et l’interférence du pouvoir politique avec celui de l’argent, qui est visée », selon l’ONG Transparency Maroc.
« Conflits d’intérêt »
Déjà présent dans les années 2000 avec des articles de presse sur la holding de la famille royale (la SNI, rebaptisée Al Mada), le débat sur les conflits d’intérêt et l’enrichissement de l’élite au pouvoir a ressurgi en 2011, durant les grandes manifestations du Mouvement du 20-Février, la version marocaine du Printemps arabe.
La réforme de la Constitution avait nourri les espoirs de changement mais le gouvernement actuel, formé en 2017 par le parti islamiste (PJD), a vu un renforcement de la présence des technocrates et hommes d’affaires, et des accusations de conflits d’intérêts.
Le ministre de l’Industrie Moulay Hafid Elalamy, qui dirige l’un des plus importants conglomérats du pays, est ainsi accusé par des médias marocains et sur les réseaux sociaux d’avoir contribué à faire adopter une disposition fiscale favorable pour la cession de son assurance Saham au géant sud-africain Sanlam.
Le ministre assure avoir respecté les règles et a demandé l’ouverture d’une enquête sur la transaction pour le prouver.
« Rien dans la loi n’interdit aux hommes d’affaires d’occuper des postes gouvernementaux », explique à l’AFP Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence. « Mais il existe des règles morales à respecter pour éviter les conflits d’intérêts », insiste-t-il.
« L’Etat n’a pas mis en place des mécanismes qui définissent les conflits d’intérêts et répriment les dépassements », pointe Fouad Abdelmoumni, responsable à Transparency Maroc.
Le niveau des marges des grands groupes suscite également la colère de nombre de citoyens, en particulier chez les distributeurs de carburants, au premier rang desquels le groupe Afriquia ciblé par le boycott.
Mi-mai, un rapport parlementaire sur l’évolution des prix des carburants depuis leur libéralisation en 2015 a suscité un tollé.
La version finale de ce rapport, quoique expurgée de ses chiffres les plus criants, montre que les importateurs de carburants ont augmenté considérablement leurs marges, à commencer par Afriquia, suivi par les sociétés française Total, anglo-néerlandaise Shell et marocaine Petromin, non visées par le boycott qui cible les leaders du marché.
Les marges jugées excessives des distributeurs de carburants depuis la libéralisation dépassent les 15 milliards de dirhams (environ 1,3 milliard d’euros), selon la version préliminaire du rapport dont l’AFP a eu copie.
Le gouvernement a promis des mesures et évoqué le scénario d’un plafonnement des marges pour les pétroliers.
Le débat sur le mariage entre affaires et pouvoir politique s’est aussi invité dans l’élection du nouveau patron des patrons marocains. L’homme politique Salaheddine Mezouar, ancien chef du RNI et ministre en continu de 2004 à 2017 (Industrie, Economie et Affaires étrangères), a été élu mardi à la tête de la puissante organisation patronale (CGEM).
Se répandant comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux, cette campagne dont les promoteurs sont inconnus vise les stations-service Afriquia, l’eau minérale Sidi Ali et le lait Danone, leaders dans leur secteur d’activité au Maroc. Objectif affiché par le mouvement: une baisse des prix.
Malgré les efforts de communication de ces marques pour endiguer le mouvement, l’AFP a constaté dans plusieurs villes marocaines que les effets du boycott étaient visibles dans des cafés, des commerces ou des stations-essence Afriquia désertées. Les entreprises concernées n’ont pas communiqué sur les pertes enregistrées.
Selon un sondage du cabinet Sunergia publié cette semaine par le quotidien L’Economiste, 57% des 3.757 personnes interrogées par téléphone affirment boycotter ces produits, principalement dans les classes moyennes.
Le groupe Afriquia, un des trois particulièrement visé par la campagne appartient au milliardaire Aziz Akhannouch qui est aussi ministre de l’Agriculture depuis 2007. L’homme le plus riche du Maroc préside aussi le Rassemblement national des indépendants (RNI, libéral), un parti de technocrates créé en 1978 sous l’impulsion du père du roi Mohammed VI, Hassan II. M. Akhannouch est considéré comme l’homme fort du gouvernement.
Le mouvement porte « un message symbolique adressé par les classes moyennes contre la mainmise d’acteurs politiques à la fois sur les champs politique et économique », décrypte pour l’AFP le politologue Aziz Chahir.
Pour un autre politologue, Ahmed Bouz, la campagne témoigne d’une « prise de conscience de la nécessité de séparer la politique des affaires ».
« C’est toute la gouvernance d’une économie minée par la rente, la corruption et l’interférence du pouvoir politique avec celui de l’argent, qui est visée », selon l’ONG Transparency Maroc.
« Conflits d’intérêt »
Déjà présent dans les années 2000 avec des articles de presse sur la holding de la famille royale (la SNI, rebaptisée Al Mada), le débat sur les conflits d’intérêt et l’enrichissement de l’élite au pouvoir a ressurgi en 2011, durant les grandes manifestations du Mouvement du 20-Février, la version marocaine du Printemps arabe.
La réforme de la Constitution avait nourri les espoirs de changement mais le gouvernement actuel, formé en 2017 par le parti islamiste (PJD), a vu un renforcement de la présence des technocrates et hommes d’affaires, et des accusations de conflits d’intérêts.
Le ministre de l’Industrie Moulay Hafid Elalamy, qui dirige l’un des plus importants conglomérats du pays, est ainsi accusé par des médias marocains et sur les réseaux sociaux d’avoir contribué à faire adopter une disposition fiscale favorable pour la cession de son assurance Saham au géant sud-africain Sanlam.
Le ministre assure avoir respecté les règles et a demandé l’ouverture d’une enquête sur la transaction pour le prouver.
« Rien dans la loi n’interdit aux hommes d’affaires d’occuper des postes gouvernementaux », explique à l’AFP Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence. « Mais il existe des règles morales à respecter pour éviter les conflits d’intérêts », insiste-t-il.
« L’Etat n’a pas mis en place des mécanismes qui définissent les conflits d’intérêts et répriment les dépassements », pointe Fouad Abdelmoumni, responsable à Transparency Maroc.
Le niveau des marges des grands groupes suscite également la colère de nombre de citoyens, en particulier chez les distributeurs de carburants, au premier rang desquels le groupe Afriquia ciblé par le boycott.
Mi-mai, un rapport parlementaire sur l’évolution des prix des carburants depuis leur libéralisation en 2015 a suscité un tollé.
La version finale de ce rapport, quoique expurgée de ses chiffres les plus criants, montre que les importateurs de carburants ont augmenté considérablement leurs marges, à commencer par Afriquia, suivi par les sociétés française Total, anglo-néerlandaise Shell et marocaine Petromin, non visées par le boycott qui cible les leaders du marché.
Les marges jugées excessives des distributeurs de carburants depuis la libéralisation dépassent les 15 milliards de dirhams (environ 1,3 milliard d’euros), selon la version préliminaire du rapport dont l’AFP a eu copie.
Le gouvernement a promis des mesures et évoqué le scénario d’un plafonnement des marges pour les pétroliers.
Le débat sur le mariage entre affaires et pouvoir politique s’est aussi invité dans l’élection du nouveau patron des patrons marocains. L’homme politique Salaheddine Mezouar, ancien chef du RNI et ministre en continu de 2004 à 2017 (Industrie, Economie et Affaires étrangères), a été élu mardi à la tête de la puissante organisation patronale (CGEM).