La descente aux enfers du patron de Boeing
Publié leLe patron de Boeing Dennis Muilenburg a annoncé lundi sa démission, après des mois de vives critiques sur sa gestion de la crise du 737 MAX, la pire de l’histoire du constructeur américain.
Les fonctions de Muilenburg, 55 ans, avaient déjà été réduites en octobre lorsqu’il avait perdu son titre de président du conseil d’administration au profit de David Calhoun, un directeur indépendant.
C’est précisément ce dernier qui le remplacera à partir du 13 janvier, a annoncé Boeing dans un communiqué qui n’a pas eu un seul mot pour le dirigeant démissionnaire.
« Le conseil d’administration a décidé qu’un changement de direction était nécessaire pour restaurer la confiance dans la société alors qu’elle s’efforce de rétablir les liens avec les autorités de réglementation, les clients et toutes les autres parties prenantes », s’est justifié Boeing.
« Le directeur financier de Boeing, Greg Smith, exercera les fonctions de directeur général par intérim pendant la brève période de transition », a ajouté le groupe.
Deux accidents de son avion vedette, le 737 MAX, en moins de cinq mois ont plongé Boeing dans la plus grave crise de son histoire.
Dans une décision inédite pour un avion moderne, toute la flotte mondiale des 737 MAX est interdite de vol depuis le 13 mars.
L’accident de Lion Air, survenu fin octobre 2018, et celui d’Ethiopian Airlines, le 10 mars, dans des conditions similaires, ont fait au total 346 morts. Les enquêtes ont mis en cause le logiciel anti-décrochage MCAS.
Les correctifs apportés n’ont pas encore été validés. Et alors que d’autres dysfonctionnements sont apparus, aucune date de remise en service n’a pour l’heure été avancée.
Les différentes enquêtes techniques et administratives ont en outre mis en lumière des dysfonctionnements notamment dans le processus de certification du 737 MAX et les liens étroits avec les autorités de régulation.
Des familles de victimes et des passagers réclamaient depuis longtemps le départ de Dennis Muilenburg, déplorant la manière dont il a géré cette crise: l’ancien patron avait, dans un premier temps, incriminé les pilotes.
Mais Muilenburg avait décidé de tenir contre vents et marées, répétant y compris, lors de son audience publique au Congrès fin octobre que son père lui « avait appris à ne pas fuir les difficultés ».
Il avait alors tenté un changement de cap, faisant amende honorable et affirmant qu’il n’oublierait jamais les 346 victimes.
« Mon entreprise et moi-même sommes responsables et nous savons que nous devons nous améliorer », avait-il alors assuré, martelant qu’il apprenait de ces erreurs tragiques et qu’il était disposé à « rendre des comptes » sans aller jusqu’à la démission.
Boeing était alors encore persuadé que le régulateur américain, la FAA, autoriserait le MAX à revoler avant la fin de l’année.
Un « pas en avant positif » pour Boeing
Plus de neuf mois après l’interdiction de vol, les autorités de sécurité aériennes ont fait savoir qu’elles allaient prendre leur temps.
« Nous continuons à travailler avec d’autres régulateurs internationaux du contrôle aérien pour examiner les changements proposés à l’avion. Notre priorité numéro un est la sécurité et nous n’avons pas fixé d’échéance pour la fin de ce processus », a confirmé lundi dans un communiqué la FAA, qui s’est refusé à commenter la démission de Muilenburg.
Signe que l’avion ne va pas reprendre le ciel avant plusieurs mois, les compagnies aériennes américaines ont annoncé qu’elles repoussaient encore la remise en service de leur appareil, United la décalant jusqu’au mois de juin 2020.
La semaine dernière, le groupe a dû se résigner à arrêter la production du MAX à partir de janvier et pour une durée indéterminée, faute de savoir quand les livraisons pourraient reprendre.
« Sous la nouvelle direction, Boeing fonctionnera avec un engagement renouvelé de transparence totale, y compris une communication efficace et proactive avec la FAA, d’autres régulateurs mondiaux et ses clients », a affirmé lundi Boeing.
L’avionneur fait valoir que David Calhoun possède « une grande expérience de l’industrie » ainsi qu’une solide expérience en tant que patron.
David Calhoun, 62 ans, a occupé des fonctions exécutives et non exécutives dans de nombreuses entreprises dont General Electric.
« Je crois fermement en l’avenir de Boeing et du 737 MAX. Je suis honoré de diriger cette grande entreprise et les 150.000 employés dévoués qui travaillent dur pour créer l’avenir de l’aviation », a commenté le futur patron cité dans le communiqué.
A la Bourse, l’annonce a été bien accueillie, le titre Boeing progressant de 2,7% vers 16H10 GMT.
« La démission de M. Muilenburg est un pas en avant positif pour remettre Boeing sur le chemin de la sécurité et de l’innovation », a réagi Michael Stumo, père de Samya Rose, 24 ans, qui a péri le 10 mars dans l’accident d’Ethiopian.