La Cour des comptes fustige l’ »immaturité » des services publics en ligne

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La Cour des comptes a rendu public un rapport sur les services publics en ligne, démontrant la régression de la stratégie numérique amorcée au milieu des années 2000, malgré les sommes astronomiques débloquées par l’Etat. Ergonomie, open data, FAQ, recherche d’emploi, services aux étudiants, immatriculations de voitures… plusieurs services sont inexistants, quand ils se sont pas simplement inefficaces. Florilèges.

Le Maroc peut mieux faire en termes de services publics en lignes. C’est ce qui ressort d’un rapport publié par la Cour des comptes qui examine de fond en comble la stratégie digitale des services publics.

Le premier constat qui en ressort, c’est la régression du royaume dans le classement des Nations-Unies sur les services en ligne. Le Maroc a atteint en 2014 son meilleur niveau, avant de faire un bond en arrière. En effet, sur un total de 193 pays, le pays était au 30ème rang en 2014 avant de dégringoler à la 78ème place. Concernant le capital humain et l’infrastructure IT, le niveau du Maroc n’a pas beaucoup changé et a demeuré dans des niveaux bas du classement mondial: 104ème dans l’infrastructure IT et 148ème dans le capital humain.

Paradoxalement, le nombre de services en ligne a évolué de 224 en 2008 à 388 en 2014, soit une augmentation de 73%.

On marche à reculons

Sir les 15 services les plus importants, le Maroc réalise de bons niveaux de maturité sur 8 services, dont les services liés aux impôts (IR, IS et TVA) et droits de douane. En revanche, les 7 autres services restent loin de la moyenne européenne dans leurs niveaux de maturité, et sont ainsi, en écart significatif par rapport aux bonnes pratiques en la matière.

En cause: les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie Maroc Numérique (MN 2013). Mais les réalisations ont été loin de ce qui était prévu. C’est le cas de la création en ligne de l’entreprise, de l’immatriculation en ligne des véhicules et de la collecte en ligne des données statistiques des entreprises.

Ainsi, à fin 2018, la création en ligne de l’entreprise, qui était prévue pour 2011, n’avait pas encore vu le jour, alors qu’un objectif ambitieux de 40% comme taux d’utilisation de ce service était fixé pour l’année 2013.

De même, l’objectif fixé pour l’immatriculation en ligne des véhicules était de 70% comme taux d’utilisation en 2013. Toutefois, ce projet initié depuis 2007, n’a été opérationnel qu’en avril 2019 et s’est limité aux voitures neuves seulement.

En ce qui concerne la collecte en ligne des données statistiques des entreprises, l’objectif visé était de mettre en place, dès 2012, un portail de consultation des données statistiques et de réalisation d’enquêtes en ligne. Toutefois, ce mode de collecte des données n’est toujours pas à l’ordre du jour.

 

Dure dure la vie du citoyen 

Le rapport de la Cour des Comptes a recensé plusieurs services se rapportant à des « événements de la vie » dont la qualité laisse encore à désirer.

C’est le cas de 12 services applicables au contexte marocain (5 services de base et 7 services complémentaires). Parmi ces services, 6 ne sont pas disponibles en ligne, dont deux services de base, à savoir « l’inscription pour bénéficier de l’indemnité pour perte d’emploi » et « la demande d’informations sur la démarche pour contester le refus d’accorder une prestation d’aide sociale ».

Cet événement de vie concerne le citoyen qui entame une procédure civile pour une réclamation concernant un montant inférieur ou égal à 20.000 DH. Le modèle de cet événement comprend sept étapes. Il s’agit de 33 pays européens. 7 étapes qui sont toutes applicables au Maroc, traduites par 4 services de base et 3 services complémentaires. La Cour a relevé qu’aucun des 4 services de base n’est disponible en ligne au Maroc. En revanche, deux services complémentaires sont disponibles en ligne, à savoir « l’obtention d’informations sur la législation », et le suivi des dossiers (accessible à travers le portail dédié aux services en ligne www.mahakim.ma).

Parmi les services annoncés depuis des années, les plus importants sont ceux relatifs à l’immatriculation automobile. La cour a constaté qu’à l’exception des voitures neuves, ces services sont en projet depuis 2007.

Les étudiants sont des grands utilisateurs d’internet et leurs attentes en matière de services en ligne sont donc importantes. La Cour a recensé 9 services applicables au Maroc. La Cour a noté que deux services sont disponibles en ligne dans la majorité des pays européens mais ne le sont pas au Maroc. Il s’agit du service relatif à « l’octroi d’une page web permettant d’accéder à ses données personnelles et à l’information sur les cours et les notes d’examen » et du service relatif à « l’obtention d’informations sur la carrière professionnelle et les possibilités de stages ».

 

Attendez la mise à jour!

 

La Cour a examiné un nombre d’aspects liés à l’ergonomie des portails institutionnels et des services en ligne en se basant sur un échantillon de services en ligne composé de 35 services et 9 portails institutionnels. Cet examen a permis de déceler certaines faiblesses en matière de disponibilité, de fonctionnalité, de support dans les services en ligne pour faciliter l’interaction avec l’usager. Il s’agit notamment des forums spécifiques/médias sociaux, des foires aux questions (FAQ), des démonstrations (vidéos en ligne, guides téléchargeables) et des mécanismes de feedback (recueil de l’opinion de l’usager).

S’agissant de la qualité des portails institutionnels, la Cour a relevé surtout le manque d’informations sur la dernière mise à jour des pages et la non publication des données publiques en formats facilement réutilisables.

 

« Open data », le grand gâchis

 

Le secteur public dispose d’informations d’une grande valeur dont l’essentiel n’est pas utilisé ou l’est d’une façon limitée. En 2011, le Maroc a été le premier pays africain à se doter d’une plateforme Open Data. Un ensemble de données réutilisables, provenant de différents ministères et organismes publics sont ainsi publiées sur le portail (www.data.gov.ma) depuis mars 2011. Toutefois, après des années de la mise en place de ce portail, le Maroc n’a pas suffisamment avancé dans le chantier de l’Open Data comme en témoigne l’évolution de son classement à l’international en matière d’ouverture des données. En effet, le Maroc a enregistré une régression significative sur l’indice Open Data Barometer, passant du 40ème rang en 2013 au 79ème rang en 2016.

Cette situation est due en partie à l’absence d’un cadre légal pour organiser l’utilisation de cette gigantesque masse d’information. En effet, il n’existe pas au Maroc de document publié sur la politique ou stratégie dans le domaine de l’Open Data. De plus, aucun document ne spécifie les jeux de données à publier, les formats à utiliser ou les licences à appliquer.

Le portail « service-public.ma » constitue, comme le définit le ministère chargé de la modernisation des secteurs publics, un point de référence pour accéder, via internet, aux services de l’administration marocaine. L’édition du contenu du portail est assurée par une commission interministérielle dont les travaux sont coordonnés par ledit ministère. Toutefois, la Cour a relevé que cette commission ne se réunit pas régulièrement, ce qui se répercute sur la qualité de l’information de ce site qui n’est pas régulièrement mis à jour. Conformément à la feuille de route de ce projet qui fait partie du programme e-gov, le ministère a développé en 2011, un extranet du portail, afin de permettre aux différentes administrations de se connecter au back-office du portail et de l’enrichir régulièrement. Toutefois, en l’absence d’un cadre juridique qui impose aux administrations d’actualiser leurs données via ce système, le taux de mise à jour du contenu de ce dernier reste tributaire de la bonne volonté des administrations.

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