Alors que la saison des récoltes d'olives et de production de leur huile touche à…
Huile d’olive au Maroc: pourquoi les prix vont continuer à augmenter
Publié leAu Maroc, le changement climatique a fait bondir le prix de l’huile d’olive : plus 32,9% en moyenne sur un an. La baisse de rendement continue de bouleverser le secteur.
L’huile d’olive en passe de devenir un produit de luxe ? Le prix de cet incontournable des foyers marocains pourrait, rapidement, devenir hors de prix pour les petits ménages. Ses prix ont grimpé de jusqu’à 50% sur un an dans certains cas. En effet, l’huile d’olive qui se vendait à environ 90 DH le litre au début de l’année, s’affiche désormais jusqu’à 140 et même 150 DH le litre dans les grandes villes.
Cette flambée historique créé une situation inédite au Maroc. Les contrefaçons deviennent monnaie courante. Cette semaine, la police de la province de Taounate, a saisi un véhicule de transport de marchandises chargé d’une importante quantité d’huile d’olive frelatée. Une pratique encouragée par la spéculation qui va bon train autour de ce précieux liquide.
« Il s’agit d’une simple question d’offre et de demande », explique Reda Tahiri, un jeune oléiculteur. « Tout dépend évidement du prix de l’olive, disponible sur le marché. Moins il y en a, plus son prix augmente. C’est purement arithmétique. Le prix du kilo de fruits, multiplié par six ou sept, fixe celui de l’huile d’olive ».
La cause principale de cette hausse de prix trouve sa source dans la baisse de rendement. « L’année dernière, on a eu une petite production d’olive. Cette année, c’est encore moins. Si on n’a pas d’olives, on ne peut avoir de l’huile. C’est une question de disponibilité de la manière première », détaille-t-il.
Toute la production nationale est concernée par les répercussions de cette baisse de rendement. « La rareté du fruit est due à des phénomènes météorologiques n’ayant rien avoir les uns avec les autres. L’année dernière, c’était une question de sécheresse et de chaleur. On avait une bonne floraison, mais les épisodes de chaleur excessive ont carbonisé les fleurs. Cette année, se sont les températures élevées en mois de janvier et février qui ont empêché l’olivier de rentrer en phase de repos végétatif. En gros, ce sont les effets du changement climatique », explique Reda Tahiri.
Mais phénomène n’explique pas tout. On évoque aussi la spéculation de certains producteurs et distributeurs. La technique consiste à acheter massivement de l’huile d’olive, pas forcément pour l’utiliser, mais pour faire encore grimper son prix.
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Lors d’une séance de questions orales à la Chambre des Conseillers en juillet dernier, le ministre de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohamed Sadiki, avait reconnu que la saison s’annoncerait difficile pour la production et la récolte des olives en raison des températures élevées durant la floraison. Le responsable avait surtout parlé de la spéculation qui, selon lui, continue de poser problème dans le secteur de l’huile d’olive en accusant au passage les exportations.
Sauf que, dans ce cas de figure, la spéculation ne peut pas avoir énormément d’impact en raison de la nature du marché. En tout cas, à en croire les professionnels. « Au Maroc, le circuit informel représente la grande partie de la commercialisation de l’huile d’olive », nous dit Hicham D, un distributeur opérant dans l’informel. « Généralement, les gens achètent presque directement chez le producteur, via un ou deux intermédiaires au maximum. Ceci, dit-il, limite l’effet spéculatif ».
Un avis partage par Tahiri : « A chaque fois qu’il a un problème sur un marché, on accuse la spéculation. C’est une question de rareté de fruit. La spéculation existe, mais pour d’autres productions. On peut mettre ça sur le dos de la spéculation ».
« Il y a de plus en plus de ménages qui se regroupent et contactent un agriculteur. Il font appel à une connaissance ou un professionnel qui se charge de l’opération d’achat et veille au pressage de l’olive », renchérit, pour sa part, le distributeur.
Interpellé par l’opposition sur la flambée du prix d’huile d’olive, le gouvernement promet, selon les bruits du couloir, une série de mesures dont la principale serait de facilité l’importation pour palier à la demande.
« Le gouvernement essaie de jouer sur les paramètres qu’il peut maitriser. L’année dernière, c’était l’interdiction d’exporter l’huile d’olive. Cette année, c’est probablement d’en faciliter son importation. Mais dans les deux cas, il y aura zéro impact », craint Reda Tahiri. Pourquoi ? « Il vrai qu’il y a moins d’huile d’olive au Maroc. Mais si on l’importe, est-ce que cela fera baisser son prix ? C’est là où l’effet d’une telle mesure sera minime. En raison une fois encore de l’importante de l’informel. Plus de 90% de la production se vend à travers les réseaux non structurés ».
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En effet, les nouveaux opérateurs qui feront leur entrée au Maroc vont essayer de vendre de l’huile d’olive et prendre 9 ou 10% de part de marché. Ce qui n’affectera pas l’ensemble des consommateurs et ne fera pas forcément baisser les prix. « Il faudra des quantités énormes pour qu’il y ait une abondance et provoquer une baisse des prix. C’est pratiquement impossible. Le manque à produire ou l’effet de rareté, c’est énorme. On parle de milliers de tonnes non produite », précise notre oléiculteur.
Les premières pluies de l’automne ont fait naitre l’espoir d’une embellie dans le secteur de l’agriculture. Mais les effets sur l’oléiculture ne se feront pas sentir de sitôt. « Les arbres sont vides. Même s’il pleut tout l’automne ça ne fera pas naitre des olives. Il n’y a pas de fruit. C’est une triste réalité. C’est le manque de rendement qui provoque la hausse des prix », affirme Reda Tahiri qui estime qu’on doit désormais se préparer à des périodes difficiles en raison du changement climatique.
Ce jeune producteur d’huile d’olive, également président d’une association de professionnels, préconise de favoriser le végétal local. Il s’agit des variétés marocaines d’olive qu’il faudra mettre en avant. « On devrait éviter d’utiliser des graines importées qui produisent plus, mais qui consomment énormément d’eau. Et il faut surtout développer des variétés locales qui sont résistantes à leur environnement », conseille-t-il en encourageant à protéger les arbres dans les zones arides afin qu’ils puissent survivre.
« Si le gouvernement veut agir, ça serait par rapport à créer un environnement autour de l’arbre, c’est-à-dire de faciliter le travail du fellah en l’aidant à avoir accès à l’eau et en favorisant notre patrimoine végétale nationale et locale. Car nos variétés sont naturellement résistantes au climat du pays », conclut il.