Gaza: l’Egypte s’oppose à Israël

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Le premier ministre israélien. Benjamin Netanyahu (g.), et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Crédit: AFP

L’Egypte a durci le ton cette semaine vis-à-vis d’Israël après des mois de critiques mesurées, et va s’associer à la procédure introduite par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) réclamant notamment le retrait des troupes israéliennes de Rafah.

L’Egypte et ses médias contrôlés par l’Etat ont intensifié leurs critiques à l’égard d’Israël à propos de la guerre déclenchée dans la bande de Gaza après l’attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre sur le sol israélien.

Malgré la guerre des mots entre le plus peuplé des pays arabes et son voisin israélien, certains analystes ne s’attendent pas à ce que le traité de paix de 1979 entre Israël et l’Egypte, tous deux alliés des Etats-Unis et bénéficiaires de milliards d’euros d’aide militaire américaine, soit menacé.

Depuis le début de la guerre à Gaza, l’Egypte est sur la corde raide sur le plan diplomatique. Tout en critiquant Israël et mettant en garde contre tout déplacement forcé des Gazaouis hors de leur territoire, Le Caire a aussi joué un rôle de médiateur dans les pourparlers pour une trêve, et aidé à la livraison d’aide humanitaire via son poste-frontière de Rafah.

Mais depuis qu’Israël a juré d’envahir Rafah, ville du sud de la bande de Gaza à la frontière égyptienne, où s’entassent 1,4 million de Palestiniens, Le Caire « s’est retrouvé dans une position où il ne voulait pas être et se devait de réagir », déclare à l’AFP Mustapha Kamel al-Sayyid, professeur de sciences politiques à l’université du Caire.

« Mesures calculées »

Dimanche, l’Egypte a annoncé qu’elle s’associerait à la requête présentée par l’Afrique du Sud devant la CIJ accusant Israël d’actes génocidaires.

M. Sayyid y voit un « changement majeur », l’Egypte « passant de la critique des politiques d’Israël à la tentative de prouver qu’il commet un génocide ».

L’Egypte a également refusé de coordonner l’accès à l’aide humanitaire depuis que les troupes israéliennes ont pris possession de la partie palestinienne de sa frontière avec Gaza, fermée.

Quand Israël a émis l’espoir de persuader l’Egypte de rouvrir le point de passage, le chef de la diplomatie, Sameh Choukry, a accusé son voisin de « déformer les faits et renier sa responsabilité » dans la crise humanitaire à Gaza.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a accusé mercredi l’Egypte de « prendre en otage » la population de Gaza en étant selon lui responsable du blocage de l’entrée de l’aide humanitaire.

« Nous ne retardons pas l’ouverture de Rafah », a-t-il affirmé dans une interview à CNBC.

Tout accord avec les Egyptiens sur la coordination de l’aide était voué à « s’effondrer sous le poids du contrôle israélien du point de passage », analyse Ahmed Aboudouh, membre associé du groupe de réflexion britannique Chatham House.

Israël a « embarrassé » l’Egypte et le Qatar (autre pays médiateur dans les pourparlers indirects entre Israël et le Hamas, ndlr) en entrant à Rafah, surtout après que le Hamas a affirmé accepter une proposition de trêve, a déclaré à l’AFP l’analyste Emad Gad.

L’Egypte réagit toutefois avec « des mesures calculées », relève-t-il, largement destinées au public égyptien, selon nombre d’observateurs.

Pour M. Aboudouh, la démarche à la CIJ est ainsi « largement symbolique », même si elle témoigne de « la prise de conscience par l’Egypte qu’elle est acculée et doit riposter ».

Il prédit que Le Caire n’ira pas jusqu’à « suspendre le traité de paix », une option dont « tout le monde sait qu’elle n’est pas à l’ordre du jour ».

« Message national et panarabe »

L’Egypte est le premier pays arabe à avoir reconnu Israël avec les accords de Camp David, qui ont démilitarisé le Sinaï et limité l’armement autorisé de part et d’autre de la frontière.

Selon M. Sayyid, en « plaçant des chars et des véhicules blindés près de la frontière », Israël a commis « une violation flagrante du traité de paix ».

« Les violations sont traitées dans un cadre technique et militaire, selon des mécanismes établis », a mis en avant M. Choukry interrogé à ce sujet, qualifiant le traité de paix de « choix stratégique ».

En Egypte, la vue de drapeaux israéliens sur un véhicule blindé traversant la frontière de Gaza, sur des images en ligne, a provoqué une colère généralisée. Les manifestations y sont interdites, mais des voix militantes ne cessent de réclamer plus de soutien aux Palestiniens.

Les médias d’Etat ont eux haussé le ton envers Israël, dans une « escalade médiatique » selon M. Sayyid. Mais cela doit être « principalement compris comme un message national et panarabe », analyse M. Aboudouh.

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