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France: l’affaire «Marco Polo» ou le retour du «terrorisme iranien»
Publié leUn couple a été mis en examen en mai à Paris, soupçonné d’avoir participé à des projets d’assassinats visant des personnes juives en Allemagne et en France, une illustration du retour en Europe du « terrorisme d’Etat iranien » selon les services de renseignement français.
Abdelkrim S., 34 ans, et sa compagne Sabrina B., 33 ans, ont été mis en examen le 4 mai pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et placés en détention provisoire.
Leur affaire, dite « Marco Polo » et révélée par Mediapart, illustre la résurgence en Europe d’un « terrorisme d’Etat iranien« , selon une synthèse de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), datant de début mai et dont l’AFP a eu connaissance samedi.
« A partir de 2015, les services iraniens ont renoué avec une pratique d’assassinats ciblés qui n’avait plus été observée en Europe depuis une vingtaine d’années », selon la DGSI, qui précise que « la menace s’est encore aggravée (…) dans le contexte de la guerre entre le Israël et le Hamas ».
Leur objectif: « frapper des cibles civiles » pour « accroître le sentiment d’insécurité au sein de l’opposition » au régime iranien et au sein « de la communauté juive et/ou israélienne ». Pour ce faire, l’Iran est ainsi accusé de recruter en Europe des voyous, notamment des narcotrafiquants.
Un narcotrafiquant « coordinateur«
Impliqué dans cette affaire « Marco Polo« , Abdelkrim S. était déjà connu de la justice: condamné à dix ans d’emprisonnement pour son implication dans la tuerie du tunnel du Prado à Marseille, il a été libéré en juillet 2023 sous contrôle judiciaire.
Ce Franco-Algérien est soupçonné d’être le « principal opérateur » en France d’une « cellule » commandée par l’Iran qui projetait, selon les enquêteurs, des actions violentes en Allemagne et dans l’Hexagone.
Il aurait été mis en contact avec le « coordinateur » de la cellule par un ancien codétenu. Ce « coordinateur« , présenté comme un important narcotrafiquant de la région lyonnaise, se trouvait probablement en Iran en mai, d’après la synthèse.
Les cibles identifiées à ce stade: un ancien employé d’une société israélienne de sécurité vivant à Paris et trois de ses anciens collègues, en région parisienne, ainsi que trois Israélo-Allemands à Munich et à Berlin.
Abdelkrim S. est soupçonné d’avoir, en février et en avril 2024, effectué des voyages outre-Rhin, malgré son contrôle judiciaire, pour faire des repérages, notamment à Berlin en présence de sa femme. Il dément, affirmant avoir seulement voulu faire des achats.
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Les enquêteurs imputent aussi à cette cellule quatre incendies d’entreprises situées dans le sud de la France et « appartenant à des ressortissants israéliens », entre fin décembre 2023 et début janvier 2024, selon une source policière.
D’après cette source, en garde à vue, Abdelkrim S. a nié avoir mis le feu mais a expliqué avoir été l’intermédiaire entre le commanditaire et d’autres personnes sur Telegram pour un projet d’arnaque à l’assurance.
Pour son avocate, Me Margaux van der Have, les interrogatoires de son client ont fait ressortir « sa méconnaissance des objectifs projetés par les personnes ayant pris attache avec lui » et « son absence totale de haine envers la communauté juive ».
« Les faits qui lui sont reprochés restent très en marge d’une activité terroriste, et son traitement carcéral, placé à l’isolement, n’est pas proportionnel à son implication », a-t-elle insisté.
Même indignation du côté des avocates de Sabrina B., « on lui reproche d’être la compagne d’un suspect », ont fustigé Mes Camille Quendolo et Melody Blanc.
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Selon elles, Sabrina B. « conteste sa mise en examen depuis le début, ses demandes de liberté ont été rejetées alors qu’elle dispose de solides garanties de représentation et va bientôt accoucher ».
En garde à vue, Sabrina B. a nié toute connaissance de projets violents et assuré s’être rendue à Berlin pour faire les magasins avec son compagnon.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) n’a pas répondu aux questions de l’AFP, rappelant que la divulgation des informations « nuisait à l’efficacité des investigations » couvertes par le secret.
Le procureur antiterroriste Olivier Christen avait toutefois alerté en juin, lors de son discours d’installation, d' »une éventuelle menace terroriste que feraient peser sur notre sécurité certaines puissances étrangères ».
« Si cette menace semblait très éloignée depuis plusieurs décennies, des procédures ouvertes très récemment par mon parquet nous démontrent qu’elle peut redevenir concrète », avait-il souligné.