Les professionnels de l’olivier au Maroc s'inquiètent sur la crise que traverse leur secteur qui…
Face à la flambée des prix, l’huile d’olive va-t-elle devenir un produit de luxe?
Publié leEntre sécheresse, parasites et flambée des prix, l’huile d’olive, véritable trésor du Maroc, traverse une crise sans précédent. Jusqu’où ira cette hausse et quelles solutions pour sauver cette filière essentielle ?
Victime de la sécheresse, l’huile d’olive n’en finit pas de flamber. L’«or liquide» n’a jamais aussi bien porté son nom au Maroc. En constante augmentation ces dernières années, le prix de l’huile d’olive a enregistré une hausse oscillant entre 45 et 50 % durant la période post-pandémie, et il est appelé à augmenter davantage cette année.
La production agricole dégringole. L’offre devrait être moins importante que prévu, et lorsque celle-ci se raréfie, les prix s’envolent automatiquement. En plus des effets de la sécheresse, les oliveraies font face cette année à des parasites comme la teigne de l’olivier (Prays oleae) et la mouche de l’olive (Bactrocera oleae).
«Cette année, il n’y a pas eu de période de baisse des températures permettant aux oliviers de passer par une phase de repos végétatif, ce que les cultivateurs appellent le « sommeil hivernal »», explique un agriculteur. Et d’ajouter: «Il n’y a pas eu de floraison des oliviers, une phase importante dans le cycle de vie de la production de l’olive».
«Il faut, donc, s’attendre à une baisse drastique de la production. Aujourd’hui, les prix des olives avant cueillette sont à 15 à 16 dirhams. Il faut donc envisager à une hausse vertigineuse des prix», a-t-il confié à H24info.
Sur le marché, les prix commencent à prendre une courbe ascendante. «Si tu veux de la qualité, tu dois payer 140 à 150 dirhams le litre», déclare Driss, un acheteur récemment approvisionné.
«Échec du PMV»
Cette question qui perturbe les Marocains, grands consommateurs d’huile d’olive a été posée par la députée de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), Fatima Tamani, au ministre de l’Agriculture, Mohammed Sadiki.
La représentante parlementaire a considéré, dans sa question écrite adressée au ministre de tutelle, que cette augmentation des prix témoigne de l’échec des plans gouvernementaux actuels et précédents dans le domaine de l’agriculture, à savoir le Plan Maroc Vert et le Plan Génération Green, qui n’ont pas réussi à garantir la sécurité alimentaire.
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Après avoir dressé le constat de l’augmentation des prix, Mme Tamani s’est interrogée sur l’utilité du PMV et du Plan Génération Verte, rappelant que «ce sont des plans où des milliards de dirhams de fonds publics ont été dépensés sans atteindre leur objectif d’assurer la sécurité alimentaire, totalement absente pour les Marocains».
L’importation, ultime recours
«Les agriculteurs réclament des solutions concrètes pour les sauver de la faillite et pour sauver l’olivier, qui souffre énormément en raison de la crise de l’eau, sans réaction du ministère de l’Agriculture concernant le forage de puits dans plusieurs régions», a-t-elle poursuivi.
Tamani a mis le doigt là où ça fait mal, en soulignant que la région d’El Kelâa des Sraghna, sur laquelle on comptait pour assurer une part importante de l’approvisionnement du marché national, fait face à une crise menaçant des milliers d’hectares d’oliviers, tandis que des dizaines de moulins sont en situation de stagnation.
«Face à toutes ces crises et à la mauvaise gestion de la part du ministère concerné, l’option de l’importation reste envisageable pour faire face à la faible offre et la forte demande», a-t-elle suggéré, alertant sur les risques de déséquilibres, comme cela a été le cas avec l’importation des moutons et des viandes rouges.
L’interprofession rassure
De son côté, le président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’huile d’olive (Interprolive), Rachid Benali, rejette l’existence de ces prix dans la réalité, affirmant qu’il est très peu probable que les prix moyens atteignent ces seuils de 140 à 150 dirhams.
«Il est difficile que le litre atteigne de tels prix, tant actuellement qu’après la récolte, compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat des Marocains», a-t-il relevé, insistant sur le fait que «le Marocain moyen ne dépensera pas 150 dirhams pour un litre d’huile d’olive».
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«C’est une question tranchée par les professionnels, qui ne prendront pas le risque de fixer un tel prix», a-t-il souligné, ajoutant que «les prix durant la prochaine saison agricole ne dépasseront pas la moyenne de la saison précédente, donc le prix d’un litre ne pourra pas atteindre 150 dirhams, car il n’y a pas de nouveau produit sur le marché pour justifier une telle hausse».
«Interdiction des exportations ?»
Le président de l’interprofession n’a pas écarté pour autant une baisse de production cette saison par rapport à la précédente, «car les précipitations n’ont pas touché les régions concernées par la culture de l’olivier».
Si la baisse envisagée par les professionnels pourrait atteindre 60 % par rapport à une année normale, la limitation ou l’interdiction totale des exportations pourrait être une solution pour préserver un certain équilibre. L’interprofession a demandé à la tutelle de prendre une décision dans ce sens craignant une flambée des prix, certaines coopératives confirmant que les prix pourraient atteindre les 150 DH le litre, comme le rapporte notre confrère Médias24.
Notons par ailleurs que l’oléiculture occupe une place importante dans la filière de l’arboriculture marocaine, avec une superficie dépassant près d’un million d’hectares (plus de 930 000 ha), soit 68 % de la surface nationale et 5 % de la surface mondiale en oliviers.