Le réchauffement, pas le seul responsable des catastrophes météo

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Pionnière de la science d’attribution qui cherche la part de responsabilité du réchauffement dans les événements météo extrêmes, la physicienne Friederike Otto met en garde contre le risque de tout mettre sur le dos du « méchant monstre climat ».

Il ne faut pas dédouaner les humains qui ont « le pouvoir » de se préparer, insiste la chercheuse du Grantham Institute for Climate Change dans un entretien à l’AFP avant la publication d’un rapport des experts climat de l’ONU sur les impacts du réchauffement.

 

Q: Peut-on vraiment parler de catastrophe « naturelle » ?

R: Il faut chercher longtemps pour trouver un désastre météo qui soit purement naturel. Même sans changement climatique, quand les humains sont impliqués, une catastrophe se produit quand un événement extrême se heurte à une vulnérabilité, une exposition.

Si un cyclone, une canicule, des précipitations extrêmes sont prévus et que vous êtes bien préparés, la vulnérabilité est moins grande. Evidemment, vous ne pouvez pas l’éviter complètement, il y a une composante naturelle. Mais parler de catastrophes naturelles comme nous le faisons n’aide pas, cela détourne l’attention du pouvoir qu’ont les humains.

Par exemple, ce n’est pas le changement climatique qui a transformé en catastrophe les inondations dans l’ouest de l’Allemagne l’an dernier. Oui, le changement climatique a intensifié la pluie. Mais même sans, des précipitations importantes seraient tombées dans une zone densément peuplée où les rivières débordent facilement et où l’eau n’a nulle par où aller.

 

Q: L’attribution par la science de certains événements au changement climatique est-elle responsable de cette tendance à accuser seulement le réchauffement ?

R: Je pense que c’est en partie notre faute. Quand nous avons commencé à faire de la science d’attribution, tout le monde — nous, les médias — était excité de pouvoir enfin répondre à cette question: quel est le rôle du réchauffement dans cette catastrophe ?

Nous avons toujours évoqué la question de l’exposition, mais nous avons ignoré la vulnérabilité et aussi en grande partie ce que nous pouvons faire pour lutter et se protéger du changement climatique.

 

Q: Comment évaluer la responsabilité du changement climatique dans une catastrophe ?

R: L’objectif de l’attribution n’est pas tant de montrer du doigt ou de blâmer, mais de comprendre les causes. L’étape d’après est de se demander: que devons nous changer ? Qui a le pouvoir de faire quoi ? On peut alors parler de responsabilité.

Nous savons que construire des maisons sur les plages ou les falaises de Malibu est probablement une idée stupide. C’est s’exposer délibérément à un risque.

Une ville installée depuis un millénaire dans une plaine désormais menacée par les inondations, c’est différent.

Mais nous devons nous adapter: apprendre aux gens à ne plus construire là, ou différemment pour résister aux inondations, sur pilotis par exemple.

 

Q. Que disent vos recherches sur les questions d’inégalités ?

R. Ce sont les plus vulnérables qui subissent les plus grandes pertes. Ils vivent dans des maisons qui ne résistent pas aux aléas climatiques, dans des plaines inondables, ils n’ont pas les moyens de s’assurer.

Ce n’est pas seulement une opposition entre Nord et Sud. Qui a souffert le plus des conséquences de l’ouragan Katrina qui a ravagé la Nouvelle Orléans en 2005 ? Pas les riches blancs mais les pauvres, les gens de couleur.

 

Q: Comment le concept de mal-adaptation s’insère dans ce tableau ?

R: Faire du climat le seul coupable des catastrophes peut mener à la mal-adaptation. En considérant ces catastrophes seulement comme des problèmes physiques, on a tendance à se tourner vers des solutions techniques, comme construire un barrage. Cela peut réduire les inondations dans une petite partie d’une ville, mais avoir des conséquences négatives sur l’ensemble de la rivière.

La mal-adaptation, c’est mettre en place une mesure d’adaptation qui va empirer la situation à long terme ou pour une majorité de la population.

L’adaptation passe aussi par l’éducation, la gouvernance… Mais investir là dedans est plus difficile, et il faut des décennies pour voir des résultats.

 

Q: Le réchauffement a-t-il été accusé à tort de certaines catastrophes ?

R: La sécheresse et la famine à Madagascar. La population est très dépendante d’une agriculture pluviale, le régime des pluies est instable et il y a un taux de pauvreté importante. De nombreuses choses ont déraillé (…) mais le changement climatique n’est pas vraiment un moteur.

Je comprends pourquoi (l’ONU a parlé de première famine due au réchauffement), notamment pour récolter des fonds. Mais ça n’aide pas de dire « tout marche comme sur des roulettes et puis le méchant monstre climat arrive pour nous dévorer ».

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