Filière bio: « La boucle n’arrive pas à boucler » (Slim Kabbaj, président de Maroc Bio)

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Image d'illustration. DR

La filière biologique au Maroc s’est récemment regroupée en interprofession afin de mieux structurer le secteur qui peine à s’envoler au Maroc. Pourquoi ça ne prend pas? Réponse avec deux experts. 

« Qui vous dit que ça ne prend pas? », s’exclame Slim Kabbaj, président de l’interprofession Maroc Bio. « C’est en train de prendre. Il y a une indisponibilité de produits bio. C’est plutôt l’offre qui est quasi inexistante, notamment des produits bio marocains. En fait, le cercle n’arrive pas à boucler. Les producteurs qui ont un, deux produits ne trouvent pas acheteurs, et le marché ne trouve pas les produits qu’il cherche », explique-t-il.

« Dans le conventionnel, ça a pris des années pour que la boucle soit bouclée, le bio est nouveau. Si vous cherchez de l’huile d’olive bio au Maroc, vous allez en trouver, via une dizaine de producteurs et même de gros volumes. Si vous cherchez de l’huile de lin ou d’avocat ou autre marocaine ça n’existe pas. La mayonnaise entre l’offre et la demande n’a pas encore pris », poursuit-il.

Malgré cela, et malgré l’interruption forcée des activités liée aux deux années de pandémie, le secteur avance petit à petit. Le nombre de distributeurs a augmenté, ainsi que leur chiffre d’affaires. « Après le covid, le bio s’est lancé. En termes de volume on était à l’étape 0 en mars 2020 et petit à petit, c’est revenu à la normale. Aujourd’hui, on fait plus de 40% de chiffre d’affaires par rapport à 2019 au niveau du réseau des distributeurs », affirme Hicham Lachgar, président de l’Anadex Bio (Association des distributeurs et exportateurs du Bio).

« En parallèle, il y a pleins d’hôtels, de riads, de maisons d’hôtes qui distribuent également des produits bio, surtout dans les zones touristiques et grandes villes. Il y a un phénomène de croissance, des gens qui ouvrent leurs magasin bio car il y a de la demande donc ils y répondent », précise Lachgar.

Et Slim Kabbar de confirmer: « Effectivement, il y a un peu plus de distributeurs. Il y a surtout une augmentation du nombre de produits bio. On est passé de 300 à 400 depuis 2019. Il y a de plus en plus de producteurs qui exportent à l’étranger. Celui qui fait les baies de goji à Meknès a un marché à Vancouver, c’est génial! Celui qui fait des raisins et des grenades en vend très bien en Allemagne, en Angleterre, et ce sont des grands réseaux de qualité, donc on arrive à pénétrer des marchés difficiles. »

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Si le cercle n’est pas encore bouclé, Slim Kabbaj assure qu’on « trouve de plus en plus de bio à côté de chez soi ». « Il y a des distributeurs sur des milliers de points de vente, ça veut dire que le maillage est en train de se serrer. Des petits magasins ouvrent et les grandes surfaces commencent aussi à faire rentrer du bio. La tendance est en train de prendre », ajoute Kabbaj, également directeur général de Distribio qui distribue sur 1200 points de vente (boutiques, pharmacies, parapharmacies, épiceries de quartiers, etc.) au Maroc contre environ 800 en 2019.

Et pourquoi le bio coûte toujours cher ? « A cause du processus et du coût de certification. Je parle du bio certifié, pas du beldi naturel. Il faut que le produit soit labellisé soit Ecocert soit CCPB. Il faut aussi prendre en compte le coût des matières premières et de la production en mode bio: tous les produits de nettoyage, détergents, les choses spécifiques qu’on n’utilise pas en agriculture conventionnelle », répond Hicham Lachgar, de l’Anadex.

« Sur la question des prix, ils sont encore trop élevés et dans le contrat programme qui va être signé incessamment sous peu, il est question de mettre en place des subventions pour la conversion de l’agriculture conventionnelle vers le bio, de soutenir les intrants, de rendre disponibles les semences, etc. On se confronte à des prix élevés mais quand même à de la disponibilité de produits que vous ne trouvez pas partout au Maroc. », abonde Slim Kabbaj.

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Où se situe le Maroc par rapport aux autres pays? « A l’échelle mondiale, on est très en retard. Il y a un potentiel et la cap de production, mais on est en retard », souligne Lachgar. « Nous sommes en avance sur beaucoup de pays africains sauf un vraiment notable, la Tunisie. Nous sommes également immensément en retard par rapport à la Turquie qui se situe d’ailleurs au niveau des pays européens, et par rapport à ces derniers, nous sommes très loin. En terme de surface agricole bio, au Maroc, on est à 17 000 ha cette année contre 12 000 en 2019. En France, ils sont à un million d’hectares et quelques, idem environ en Espagne, en Allemagne et en Turquie », développe de son côté Kabbaj qui souligne que le rôle de l’interprofession constituée le 16 juin dernier est de rendre cohérent le marché de l’offre et la demande.

« Le tournant sera pris quand le contrat programme se mettra en place et que les opérateurs vont être accompagnés et le marché structuré. Actuellement, le marché tient car il y a beaucoup d’importations, c’est de cette façon qu’on comble ses besoins », poursuit Slim Kabbaj.

En cours d’adoption, le contrat programme 2022-2030 régulera tous les axes du bio, « depuis l’agriculture en passant par l’élevage et la transformation qui est pour nous une grande priorité car nous avons très peu de transformation à valeur ajoutée; nous vendons nos produits quasiment à l’état brut ». « Cela veut dire qu’on perd la valeur ajoutée en la donnant aux autres, il va falloir mettre en place de « l’agro-industrie ». Ce que font nos partenaires avec nos produits bruts, nous pourrions commencer à le faire et dans ce domaine, il y a tout à mettre en place encore », conclut Slim Kabbaj. 

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