Enseignement privé au Maroc: « Il faut repenser le rôle de l’Etat »

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Au Maroc, le marché de l’enseignement scolaire privé relevant du système national a compté, au titre de l’année 2019-2020, un total de 6.229 établissements. DR.

Situation des enseignants, tarifs pratiqués par les écoles, contrôle des établissements… Dans son rapport annuel 2021, le Conseil de la concurrence consacre une grande partie à l’enseignement privé au Maroc. Voici ses constats et ses recommandations pour le secteur. 

A la veille de la rentrée scolaire au Maroc, le Conseil de la concurrence vient de rendre public son dernier rapport annuel contenant une série de constats et de recommandations pour le secteur de l’enseignement privé.

L’institution dirigée par Ahmed Rahhou avait été saisie par le président de la Chambre des représentants, le 10 juillet 2020, pour émettre son avis sur les « règles de la concurrence dans les établissements d’enseignement scolaire privé au Maroc ».

Le constat est catégorique: « le fonctionnement de ce marché se heurte à un certain nombre d’insuffisances et de barrières qui affectent la performance concurrentielle de ce marché ou ayant trait à sa régulation ».

Manque de transparence

Le conseil détaille les insuffisances en question. Selon lui, le marché est d’abord caractérisé par des « différenciations marquées en matière de services et de tarification ».

La « libre concurrence n’est pas incompatible avec l’application de prix élevés pouvant résulter de l’interaction des établissements avec le contexte concurrentiel du marché et le positionnement retenu par le promoteur. Toutefois, la validité de cette règle ne peut être toujours absolue, notamment lorsque la qualité et les caractéristiques des services commercialisés sont difficiles à évaluer et les familles confrontées à un manque de transparence facilitant leur choix de l’établissement scolaire », souligne le conseil.

Le marché est aussi fondé sur un modèle unique d’établissements créés sur la base d’investissements à but lucratif.

Cette situation rend la « demande attachée tributaire du pouvoir d’achat des ménages et l’accès à ses prestations quasiment, limité aux enfants émanant des classes moyennes ». C’est ce qui explique, selon le conseil, la faible couverture des zones caractérisées par des taux plus élevés de « pauvreté monétaire ».

Incompatibilité avec l’égalité des chances

Cette réalité illustre une forme d’incompatibilité avec le principe d’égalité des chances et d’équité qui doit normalement « permettre à tous les enfants de jouir de leur droit constitutionnel à l’éducation ».

Il faut corriger la dualité entre « un enseignement public gratuit coûteux pour le budget de l’Etat et un enseignement privé à but lucratif visant à sécuriser les rendements du capital alloué ainsi qu’à équilibrer les dépenses et les revenus », estime le conseil.

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Parmi les obstacles au développement de l’enseignement privé au Maroc, il y a aussi la situation du corps enseignant. Le conseil relève dans ce sens « une sorte de concurrence pratiquée par l’école publique sur les établissements scolaires privés impactant la qualité de l’offre pédagogique en général, et l’efficacité des établissements de petite et moyenne taille en particulier, qui manquent de ressources adéquates pour couvrir le coût de recrutement des cadres enseignants hautement qualifiés ».

Pour y remédier, il faudrait adopter un « mécanisme qui pourrait limiter l’affluence du corps enseignant privé vers l’école publique », estime le conseil dans son rapport.

Régulation insuffisante

L’organisme indépendant constate également des « insuffisances » en matière de régulation. Si le profil des établissements et leurs prestations ont connu de « profondes mutations », les dispositions en vigueur datent du « début de ce millénaire », déplore le conseil.

Celles-ci ne servent pas la concurrentiabilité du marché et l’amélioration de la qualité de l’offre éducative.

Certes, le Maroc a lancé en 2015 un chantier national de la réforme de l’enseignement dont le cadre a été défini par la vision stratégique 2015-2030. Mais cette révision législative, même si elle est « appréciée et attendue par les professionnels, suscite leurs appréhensions notamment du fait des engagements associés à l’investissement privé dans le domaine dont la fixation d’un barème des frais de scolarité ».

Dans son rapport, le conseil relève aussi une « multiplicité des organes de contrôle des établissements scolaires privés » et le « chevauchement de leurs tâches ».

Il regrette aussi l’existence de « mécanismes de soutien non orientés pour l’atteinte des objectifs fixés, notamment en termes de contribution de cet enseignement à l’effort national de scolarisation des élèves et de garantie d’une répartition géographique équitable et un équilibre de l’offre, en fonction des besoins et de la pénurie ».

Repenser le rôle de l’Etat

En plus d’une révision du cadre juridique régulant le secteur, le conseil recommande de « repenser le rôle de l’Etat en vue de d’assurer un équilibre entre les prestations rendues par les établissements privés et celles dispensées par l’école publique »

Cela doit se faire, selon l’instance, par « la consolidation de l’image de l’école publique en tant que référence » et « l’amélioration des conditions de recrutement et de gratification du corps enseignant dans l’enseignement scolaire privé ».

Il faudrait également, selon le rapport, que l’Etat mette en place des « mesures permettant l’accès des familles aux services offerts sur le marché de l’enseignement scolaire privé », notamment en les ouvrant aux « élèves excellents, issus de ménages nécessiteux et à revenu limité. L’objectif est de « consolider les principes de justice et de solidarité sociales ».

6.229 établissements privés 

Au Maroc, le marché de l’enseignement scolaire privé relevant du système national a compté, au titre de l’année 2019-2020, un total de 6.229 établissements. Plus d’un million d’élèves (1.068.423 élèves) y étaient inscrit durant l’année scolaire précitée, note le même rapport.

Les établissements de taille petite et moyenne, ainsi que ceux dont les prestations se limitent au programme du cycle primaire sont prédominants. Ils sont concentrés dans les régions de Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Fès-Meknès.

Le personnel de ces établissements a atteint, au titre de l’année 2019-2020, plus de 104.533 personnes réparties, dont 54.557 relèvent du corps enseignant.

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