En pleine pénurie d’eau, le Maroc inonde l’Espagne de pastèques

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Malgré le déficit hydrique, le Maroc inonde l'Espagne de pastèques rouges
Pastèques coupées exposée dans un supermarché espagnol. © DR.

Alors que les voix s’élèvent contre les cultures «fortement consommatrices d’eau», les exportations marocaines de pastèques battent des records.

Avec le spectre d’une pénurie d’eau planant sur plusieurs villes et régions du Maroc en raison de l’épuisement des ressources hydriques, les appels à limiter les exportations de millions de litres d’eau à travers la culture de la pastèque, considérée comme la principale responsable de l’épuisement des nappes phréatiques, notamment dans les régions oasiennes, se multiplient.

Récemment, plusieurs activistes et experts ont dénoncé un «déséquilibre menaçant», surtout après la publication par le site espagnol spécialisé Horto Info de chiffres relatifs aux exportations marocaines de pastèques vers l’Espagne. En effet, selon cette source, le royaume a exporté 20,31 millions de kilogrammes de pastèques vers le pays ibérique entre le 1er mars et le 31 mai 2024, se plaçant ainsi en tête de liste des fournisseurs de pastèques pour l’Espagne avec une part de marché de 37,68 % (en augmentation de 15 % par rapport à 2015).

Cette augmentation en volume s’explique également par une hausse en valeur. Les recettes des ventes de pastèques ont ainsi progressé de 10,61 millions d’euros pour les ventes à l’Espagne entre mars et mai 2015 à 17,18 millions d’euros en 2024, les prix moyens du kilo passant de 0,60 euro à 0,85 euro.

Les agriculteurs-exportateurs de pastèques soulignent que la marge bénéficiaire sur le marché espagnol reste très importante comparée à celle du marché local, où les prix ne dépassent pas 2 dirhams le kilo, voire moins.

Cependant, les activistes environnementaux insistent sur l’importance de la préservation de la sécurité de l’eau. Dans des déclarations à la presse, Jamal Akchbab, membre de l’Association des Amis de l’Environnement (Zagora), a dénoncé l’indifférence des agriculteurs, affirmant que «mettre en avant l’argument de la marge bénéficiaire masque un mépris total pour la gravité de la crise de l’eau que vit le Maroc».

Il a souligné «la persistance des dérogations des agriculteurs aux décisions des autorités locales visant à limiter les surfaces cultivées en pastèques». Cet acteur associatif précise que les régions oasiennes sont passées d’une situation de pénurie d’eau à une phase de déficit hydrique à cause de la combinaison de la sécheresse et d’autres facteurs, dont l’exploitation agricole qui consomme plus de 85 % des ressources superficielles et souterraines annuelles, en raison de l’expansion des cultures d’exportation telles que les pastèques.

«Les nappes phréatiques ont été profondément endommagées après l’introduction de ce genre de culture dans les régions oasiennes, qui connaissent actuellement des destructions massives des oasis», a-t-il regretté, ajoutant que «le plus grand bénéficiaire de l’eau épuisée par la pastèque est le consommateur étranger, puisque le prix de vente du kilogramme de ce fruit au citoyen marocain atteint 7 dirhams».

Il a également révélé que les décisions administratives visant à limiter les surfaces cultivées en pastèques n’ont pas encore donné de résultats. De nombreux agriculteurs dans la région de Zagora, par exemple, ont recours à des méthodes frauduleuses pour contourner la décision du gouverneur qui fixe une superficie maximale de culture de pastèques à un hectare par agriculteur.

«En tant qu’activistes environnementaux, nous réclamons la limitation définitive de cette culture, car la production d’un hectare nécessite en moyenne huit mille litres d’eau», a-t-il déclaré, ajoutant que «malgré le fait que de nombreux pays du nord de l’Europe disposent d’un excédent de réserves d’eau, ils s’abstiennent de cultiver des pastèques car ils anticipent le grand danger que représente ce fruit pour leur sécurité hydrique».

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