Education: le patrimoine juif marocain enseigné aux élèves du primaire
Publié leDès le trimestre prochain, les élèves de 6e année primaire étudieront le patrimoine juif marocain en cours d’histoire-géographie et éducation civique. Une nouvelle saluée par la communauté juive du royaume et le corps enseignant en général.
Les élèves de 6e année primaire étudieront dès le semestre prochaine l’affluent juif de l’histoire marocaine au sein de la 10e leçon des programmes scolaires de cette année. « Deux éléments ont donné l’impulsion à cette initiative: la Constitution de 2011 qui dit expressément que la composante juive fait partie de l’identité marocaine; et la visite du roi Mohammed VI à Bayt Dakira (en janvier 2020, ndlr), la « maison de la mémoire » dans le mellah d’Essaouira (décrite comme un « dars » aux citoyens marocains pour qu’ils intègrent mieux l’aspect juif marocain) », a énoncé récemment le ministre de l’Education nationale, Saïd Amzazi, dans l’émission « Nass al mellah » présentée par Zhor Rehihil sur MedRadio.
« On l’attendait depuis longtemps »
La communauté juive du Maroc a accueilli cette nouvelle avec beaucoup de joie. « On l’attendait depuis longtemps », a déclaré dans la même émission, André Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI. « C’est un message au monde entier qui dépasse le Maroc. On a franchi une étape et je félicite l’approche didactique des responsables pour amorcer cet enseignement », a poursuivi le président-fondateur de l’association Essaouira-Mogador.
« C’est avec un immense plaisir et beaucoup de satisfaction que nous avons vu pour la première fois tout un chapitre consacré à l’affluent juif dans la culture marocaine. Cela fait des années que l’on s’implique, notamment avec feu Simon Lévy, pour introduire la part juive dans les manuels scolaires », a énoncé à son tour, Serge Berdugo, secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du royaume.
Et d’ajouter: « C’est seulement une page de livre mais d’une extrême importance car elle est pertinente et donne un instrument au professeur pour avoir une évaluation générale de ce qu’a été le judaïsme marocain, son apport à la civilisation marocaine et son empreinte dans la civilisation mondiale ».
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Au sujet du programme scolaire, Saïd Amzazi déclare « n’avoir eu aucune difficulté à l’élaborer car l’équipe pédagogique était complète et composée d’experts et d’historiens ». Contactée par H24Info, la responsable communication du ministère de l’Education nationale a partagé avec nous le contenu de ce nouveau chapitre de trois manuels scolaires différents. Nous restituons ici le contenu de l’un d’entre eux.
Pour aborder la présence juive dans le royaume, le programme remonte à l’Antiquité avec la présence constatée d’anciennes synagogues à Volubilis et à Mogador. Le judaïsme serait ainsi la première religion monothéiste apparue au Maroc. Un document représentant la pierre tombale du rabbin Youssef ben Mimoun, mort en l’an 5 av. J-C., témoigne également de cette présence antique.
On passe ensuite au Maroc du XVIIIe siècle sous le règne du sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah. A cette époque, la ville d’Essaouira bénéficie d’une grande diversité culturelle, riche de plusieurs communautés telles que les juifs qui représentait la plus importante, avec une quarantaine de synagogues. Cette épisode vise à enseigner aux élèves l’historicité de la coexistence des peuples au Maroc avec le sultan Mohammed III qui respectait toutes les religions monothéistes (« ahl al-kitab », les gens du Livre).
La leçon se conclue avec l’inauguration par le roi Mohammed VI en janvier dernier de Bayt Dakira, la maison de la mémoire juive à Essaouira. Cet espace historique, spirituel et culturel a pour but de préserver et valoriser le patrimoine juif marocain.
« Une décision politique? »
M. Affoufi, enseignant en école primaire, « défend » cette nouvelle mesure. « Nos parents ont vécu avec les Marocains juifs. Personne n’a le droit de marginaliser ce composant, surtout que la Constitution de 2011 reconnaît que l’élément juif fait partie de l’identité marocaine ». « J’espère que cette enseignement sera élargi aux élèves du secondaire ».
De son côté, Amine Cohen, enseignant dans le secondaire, se dit « satisfait » mais émet toutefois quelques réserves à l’égard de cette décision qu’il juge « politique ». « Il s’agit selon moi d’une décision politique qui peut aboutir ou pas aux effets escomptés. L’objectif premier de cette mesure est-il pédagogique et culturel ou politique? », s’interroge l’enseignant, auteur d’une thèse de doctorat sur le patrimoine juif marocain des XV et XVIe siècles.
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« Pour moi, l’objectif doit être d’enseigner non seulement l’histoire mais également des valeurs comme celle de la coexistence, qu’on enseignait déjà dans les programmes, notamment avec la rencontre du Pape et de Feu Hassan II », renchérit notre interlocuteur.
Pour l’enseignant, il s’agit surtout d’un « problème général » de l’enseignement, et en particulier de l’histoire. « On parle très peu de tout, pas seulement de l’affluent juif », illustre-t-il. Et de suggérer: « Il faudrait enseigner l’affluent juif au goutte à goutte dans toutes les leçons », plutôt que quelques pages isolées.
Dans son intervention à MedRadio, le ministre de l’Education nationale a annoncé que d’ici la fin de l’année scolaire, les élèves seront évalués sur leur niveau, et une étude sera effectuée pour observer l’accueil du nouveau programme chez les élèves et les professeurs.