Sécheresse au Maroc: va-t-on assister à une pénurie d’huile d’olive?

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Au Maroc, on consomme entre 3 et 4 litres d’huile d’olive par personne et par an. DR.

Les craintes des oléiculteurs marocains se confirment. Les vagues de sécheresse ont mis en péril les récoltes, et les professionnels se disent au bout du rouleau. Car leurs pertes se creusent au fil des années. Eclairage.

Pour une année de vache maigre, c’en est vraiment une. Avec le lait et plusieurs produits de grande consommation, c’est au tour de l’huile d’olive de voir son prix flamber. Pour cause, les récoltes ont baissé jusqu’à 80% pour certaines plantations en raison des mauvaises conditions climatiques. Le gel du printemps, la sécheresse et la canicule de l’été 2022 n’ont rien arrangé à l’affaire. «Le gel du printemps a empêché une floraison normale et la sécheresse, couplée à de fortes chaleurs en continu, a freiné le développement des fleurs et donc des fruits», explique Reda Tahiri, producteur d’huile d’olive et président de l’association UMABIO.

Une faible production

En effet, la faible production est liée au comportement de l’arbre. Selon Reda Tahiri, l’olivier, en cas de forte de chaleur, se débarrasse prématurément de ses fruits et referme ses feuilles pour économiser de l’énergie afin de survivre. «Cette année, j’ai perdu un peu plus de 90% de mes récoltes, du jamais vu. J’ai produit l’an dernier par exemple, 80 tonnes d’olives par parcelle de vergers. J’en ai trois. Cette année, j’ai récolté 5,5 tonnes des trois parcelles confondues», révèle le producteur. «Pour cette campagne oléicole, nous nous attendons à une très faible quantité comparée à la campagne de l’année dernière mais, nous ne pouvons toujours pas nous prononcer sur les chiffres », confirme Rachid Benali, président d’Interprolive.

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Sans pluie, ni irrigation, les oliviers entrent en stress hydrique. Ceci provoque un rétrécissement puis la chute des fruits. Car l’irrigation de précision permet aux agriculteurs de contrôler le stress hydrique au cours des périodes de développement spécifiques. «C’est une particularité de cette espère végétale. Pour résister aux chaleurs intenses, elle privilégie sa survie et sacrifie ses fruits. Après le manque d’eau persistant qui a crevassé les sols, la canicule assèche maintenant l’atmosphère. L’arbre se déshydrate et fait donc le dos rond», poursuit Tahiri.

Et dans un pays comme le Maroc où le secteur oléicole a une double vocation économique et sociale, la superficie arboricole nationale est en grande partie composée de la culture de l’olivier, érigeant ce dernier en tant que principale culture fruitière du pays. La filière oléicole participe ainsi à hauteur de 5% au PIB agricole et de 15% aux exportations agroalimentaires. « Cette année, c’est le désarroi total. Nous n’avons presque pas d’olives alors que nous sommes en pleine campagne oléicole. Imaginez ce qu’il en adviendra d’ici la fin: un désastre», avance le président d’UMABIO.

Les variétés, un important détail

Ce qui inquiète surtout les producteurs, c’est que cette situation se répète de plus en plus souvent. Toutes les variétés sont désormais impactées, même les plus résistantes. C’est la deuxième année de sécheresse intense. La production de chacun d’elles a ses spécificités. Et le manque d’eau n’est pas la seule cause de la baisse de production. Selon les propos de notre source, l’eau a un grand rôle à jouer surtout pour les variétés importées (espagnoles, italiennes, grecques, etc.) et qui ne sont pas forcément adaptées aux conditions climatiques du Maroc.

«Les paramètres de qualité et d’authenticité de l’huile d’olive sont influençables par plusieurs facteurs, à savoir la variété, l’environnement, les techniques culturales et la technologie d’extraction. Toutefois, l’influence du facteur variétal reste la plus importante sur la qualité et la composition chimique des huiles d’olive produites sous des conditions adéquates de production et de trituration. Et la sécheresse n’aide malheureusement en rien les agriculteurs», se désole le professionnel.

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Pour lui, l’importance de l’irrigation évolue en fonction de chaque région. Ceci dit, la qualité du fruit dépendra de la zone concernée (sèche, semi-aride, en bourre favorable ou en bourre défavorable), et l’irrigation aura son importance en fonction de la zone de plantation. « L’irrigation a son importance, mais elle n’est pas si primordiale. Nous pouvons récolter un très bon fruit non irrigué seulement si les arbres sont résistants à leur environnement», ajoute ce dernier.

Ainsi, la principale variété cultivée est la Picholine marocaine, et constitue plus de 96 % de la superficie. Les 4 % restants se composent de la Picholine Languedoc, de la Dahbia et de la Meslala, qui sont cultivées en régime irrigué (HaouzTadla, El Kelâa) et de quelques variétés espagnoles et italiennes telles que la Picual, la Manzanilla, la Gordal et la Frantoio. «En général, les variétés marocaines ont besoin d’irrigation, mais pas tant que ça. Dès le mois de mai, il n’y avait presque pas de fleurs, ni de fruits sur les arbres. C’est à cause du cumul de sécheresse des deux années, l’arbre de l’année dernière a eu une très grosse productivité et avait besoin d’un repos végétatif pour refaire des réserves. Et sans réelle période de froid, il n’y a pas eu de repos végétatif», souligne Reda Tahiri.

Des olives excellentes mais rares

À vrai dire, malgré les conditions climatiques par lesquelles passe non seulement le Maroc, mais de nombreux pays à travers le monde, la qualité des olives reste bonne. Elle est même exceptionnelle. Contrairement à l’an dernier, et même si les conditions climatiques n’ont pas beaucoup changé, les répercussions sur la récolte ainsi que la qualité du fruit sont bel et bien différentes. « L’an dernier, la productivité des arbres était très importante, mais le calibre était très petit et les olives étaient quant à elles sèches, faisant que leur qualité ainsi que celle de l’huile d’olive ne soit relativement pas aussi bonne que d’habitude », fait savoir l’agriculteur (lire encadré).

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Cette année, les olives ont un grand calibre et sont très bonnes. Mais la quantité n’y est pas. À l’inverse des autres arbres fruitiers, l’olivier va privilégier sa survie et non le développement de sa descendance. En deçà d’un potentiel hydrique, l’olivier ralentit son activité photosynthétique ce qui pénalise la fructification et la croissance des pousses, mais pas la qualité.

«Je suis installé vers le nord de Meknès. L’irrigation est normalement très bonne dans la région. C’est d’ailleurs pour cette raison que mon apport complémentaire en eau est quasi nul. Pourtant, j’ai l’habitude de récolter d’importantes quantités d’olives. Sur un rayon de 30 à 40 km, on peut constater que tous les oliviers sont vides. La plupart n’ont même pas cherché à récolter ce qu’ils avaient », poursuit Reda Tahiri.

Un prix excessivement cher

Cette mauvaise récolte fera certainement augmenter les prix. Les olives et donc l’huile étant plus rare, les prix vont forcément monter. Reste à savoir de combien. « Durant l’année dernière ainsi que celle d’avant, le prix du kilo des olives au démarrage de la campagne oléicole, oscillait les 3,5 dirhams et pouvait aller jusqu’à 5,5 dirhams. Cette année et en pleine campagne, le kilo d’olives coûte entre 14 et 14,5 dirhams, dans le cas où on réussit à le trouver», explique l’agriculteur.

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Même son de cloche auprès du président d’Interprolive. Pour lui, si le prix est très élevé, c’est à cause des faibles quantités d’olives récoltées. « C’est en fonction de la loi de l’offre et de la demande », dit-il. Le prix est excessivement cher, mais encore faut-il trouver le fruit. « Si en pleine campagne le prix de l’huile d’olive atteint les 90 dirhams et plus, combien coûtera-t-elle à la fin de la campagne ? Je pense qu’on ne la trouvera même plus. Lorsqu’on va savoir que nous n’aurons pas d’huile d’olive ni pour cette année ni pour l’année prochaine, que va-t-il arriver ?», conclut le professionnel.

L’huile d’olive marocaine n’est plus dans le Top 10

Malheureusement, l’huile d’olive marocaine ne figure pas cette année parmi les dix meilleures huiles au monde, selon le dernier classement du guide Evooleum des 100 meilleures huiles d’olive extra vierges (EVOO) au monde. C’est une première dans l’histoire du guide, deux huiles espagnole et italienne occupent la première place du classement. Viennent ensuite, dans l’ordre, trois autres huiles espagnoles, trois italiennes, une croate et une huile du Brésil.

Parmi les 100 meilleures huiles d’olive, citées dans le classement, la majorité provient essentiellement de dix pays. Il s’agit notamment de 68 huiles de l’Espagne, 17 de l’Italie, 4 de la Grèce, 3 de la Croatie, 2 de la France, 2 de la Tunisie, et une seule huile émanant du Maroc. C’est aussi le cas pour le Portugal, le Brésil, et l’Afrique du Sud. Le Maroc qui s’est classé 90ème, remporte, par ailleurs, le titre de la meilleure picholine, de la marque «NOOR FES».

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