Pouvoir d’achat, baisse d’impôts, hausse de salaires… ce que la libération du dirham va changer

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Le Maroc est passé dès aujourd’hui à un régime de change flexible. Une mesure extrême préconisée par le FMI depuis les années 90, puis reportée à plusieurs reprises avant que le gouvernement El Othmani n’annonce vendredi son application de manière brusque. Éclairage avec Driss Effina, économiste contacté par H24info.
«La mise en œuvre ce lundi de la flexibilisation du régime de change a été brutale, non seulement pour éviter la spéculation sur les devises, mais surtout parce que le Maroc a besoin d’argent en ce début de l’année», a estimé Driss Effina, économiste contacté par H24info. Selon lui, les responsables du FMI qui étaient au Maroc en début de semaine ont forcément mis la pression pour que le gouvernement lance cette mesure.
Pourquoi ce n’est pas un choix volontariste du Maroc?
Parce que c’est le FMI qui a le vrai tableau de bord de la situation économique du Maroc et ne veut pas que le pays se dirige vers la banqueroute, relève la même source.
Pour notre économiste, ce régime doit mettre fin à la charge de l’Etat pour maintenir le taux de change fixe du dirham qui accentuait le déficit de la balance de paiement. «L’État va faire basculer la charge qu’elle supportait en recourant en partie à l’endettement extérieur, vers l’entreprise et les particuliers», explique Effina.
Mais cette réforme ne suffira pas à elle seule à améliorer les finances publiques. Dans ce sens, notre économiste met en garde: «Si les choses ne s’améliorent pas d’ici 3 à 4 ans, cela veut dire que le Maroc n’a pas su bien tirer profit de cette mesure radicale et l’accompagner par des dispositions à même de rationaliser l’économie marocaine».
Améliorer la compétitivité du Maroc
Les exportations décolleront, le tourisme aussi, le royaume attirera plus d’IDE. Les investisseurs auront droit à une main d’œuvre moins chère, et la valeur de nombreux inputs va baisser par rapport à la devise étrangère au profit des investisseurs. Telles sont les bénéfices de l’avis de divers économistes qui rejoignent en cela la thèse du gouvernement.
Baisse du pouvoir d’achat des Marocains
Par ailleurs, l’inflation est la principale conséquence immédiate de cette réforme à cause de la baisse automatique de la valeur de la monnaie locale. «L’inflation va augmenter jusqu’à 4 à 6 points. La Turquie a subi le même effet, et a même vu son inflation augmenter de 8 points», relève Drisse Effina.
«Tout le monde va être concerné par les effets de ce basculement vers un régime de change flexible. Même l’État va payer sa côte, parce que tout le monde au Maroc dépend directement ou indirectement, soit de services, soit de produits importés de l’étranger», ajoute-t-il. Ainsi à chaque fois que les agents économiques importent ou exportent, ils doivent tenir compte de la valeur réelle du dirham et non pas de la valeur soutenue par l’État. Ils vont donc importer au prix réel et savoir la valeur de chaque produit importé de l’extérieur.
«C’est comme ça qu’on va corriger le comportement de consommation de ces acteurs qui est aussi biaisé par le fait que l’État intervenait en permanence pour garder la valeur de la monnaie qui était fixe», note Effina.
Baisse d’impôts, hausse des salaires?
Normalement les partis politiques et les syndicats doivent revendiquer que l’État retire un certain nombre d’impôts imposés aux produits importés. Et ce, afin que ce régime fonctionne correctement, que les comportements de consommation s’adaptent et pour protéger le pouvoir d’achat des Marocains.
«Je pense qu’un tel allègement des impôts, surtout concernant les produits de première nécessité, va être fait progressivement. Dans ce sens, je préconise que ces mesures fiscales soient prises avant le vote de la loi de finances», déclare cet universitaire. Mais, il regrette par ailleurs que ni les syndicats ni les partis politiques ne soient outillés pour revendiquer cette réforme fiscale, ajoutant que le gouvernement ne pensera à une telle initiative que si elle est dictée par le FMI. Il illustre ainsi ce propos en donnant pour exemple la suppression de la compensation des produits énergétiques qui n’a été accompagnée d’aucun changement du système fiscal, ou de revendications dans ce sens.
Pour ce qui est d’une possible hausse salaires pour contrer la baisse du pouvoir d’achat des citoyen, Effina relève que nous n’avons pas de pacte social au Maroc qui lie l’inflation au salaire, pas comme les autres pays avancés. «Une augmentation des salaires dans les conditions macro-économiques actuelles est peu probable, l’État n’en a pas les moyens», conclut Driss Effina.

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