Interview. Dépréciation de l’euro face au dollar, quelles conséquences sur le Maroc?

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Mehdi El Fakir, économiste, consultant et directeur associé du cabinet Ad Value audit & Consulting./Crédits: DR

L’euro est tombé à son plus bas niveau depuis 20 ans, atteignant ainsi la parité exacte avec le dollar. Dans quelle mesure cela affectera l’économie marocaine déjà fragilisée après deux ans de crise. Mehdi El Fakir, économiste et expert-comptable répond aux questions de H24 Info.

H24 Info: Le dollar est au prix de l’euro pour la première fois depuis 20 ans. Comment peut-on expliquer cette chute historique?

Mehdi El Fakir: Il y a eu une succession d’événements qui perturbent sérieusement la conscience au niveau des marchés internationaux, et ce dans tous les sens. Les incertitudes planent sur toute la planète, avec d’un côté la Chine qui réinstaure certaines restrictions face à la propagation du Covid, la chute du prix du baril de Brent, la crise politique en France et en Angleterre, ou encore ce qui se passe au Sri Lanka.

Ceci pourrait être le début d’une période estivale chaude sur la scène internationale, avec des incertitudes qui ne font qu’empirer. Nous ne pouvons pas invoquer une raison directe, ni se prononcer sur des conséquences.

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Ces derniers jours, il y a eu des déclins successifs, et l’euro s’est redressé après avoir atteint son plus bas niveau de manière spectaculaire. Si ce déclin persiste, il y aura effectivement de graves conséquences pour le monde entier.

Quelles pourraient être les conséquences sur l’économie marocaine à court et à moyen terme ?

Le Maroc a choisi depuis 2015 de rééquilibrer le panier de cotation du dirham, à 60% pour l’euro et 40% pour le dollar, contre 80% et 20% auparavant. Nous serons certainement influencés par une chute de l’euro, synonyme d’une plus grande compétitivité. Il s’agit donc d’une bonne nouvelle pour nos exportations, surtout pour les phosphates, mais pas pour nos importations, qui vont logiquement nous revenir plus cher. Toutefois, il faut attendre, car nous ne savons pas s’il s’agit d’une baisse structurelle.

Néanmoins, nous craignons une récession à l’international qui finira par arriver chez nous. L’onde de choc de 2008 n’était pas immédiate et n’a atterri au Maroc qu’en 2011/2012. La crise de 2008 a entraîné des retraits majeurs d’investissements, et des pays qui en dépendent fortement, comme la Tunisie, ont fini par payer la facture.

La région où se trouve le Maroc n’est pas stable, ce qui fait que la situation peut dégénérer à tout moment. Nous voulons une économie diversifiée et ouverte, mais la réalité est que nous en tirons un avantage limité, principalement par les phosphates et le tourisme dans une moindre mesure.

Par ailleurs, les Marocains du monde seront également touchés par ces décisions et par conséquent leurs transferts au Maroc vont inévitablement diminuer si cette situation persiste.

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Nous craignons aussi une grogne sociale, qui peut aller dans tous les sens. Mais il serait prématuré d’en parler. Il faut être prudent sur l’analyse. Le Maroc doit maintenant aller de l’avant avec une nouvelle génération de décisions stratégiques.

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a récemment décidé de conserver le taux directeur à 1,5 %. Une décision longuement commentée, mais qui pourrait être revue au cours des prochains mois.

Nous sommes réellement en train de vivre une nouvelle génération de problèmes, parce que l’inflation que nous vivons est purement importée au Maroc.

Je ne sens pas que la bonne solution ait été d’augmenter le taux directeur, étant donné que les structures sociétales et économiques n’y sont pour rien et que cela ne fera qu’empirer les choses. La banque centrale a préféré limiter les effets de cette crise au moins pendant cette période estivale.

Mais d’ici septembre, une décision d’augmenter le taux directeur peut être envisagée, si la situation continue de se détériorer. Toutefois, je pense que la solution doit être politique, afin de fournir des solutions novatrices et fortes qui ne sont pas symptomatiques, si nous en avons les moyens.

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