Oscars 2018: après la polémique, quelles chances pour Nabil Ayouch et sa «Razzia»?

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La tempête est passée, et « Razzia » de Nabil Ayouch demeure le choix du Maroc pour concourir aux Oscars 2018. Mais le plus dure reste à venir… 

Une polémique a éclaté il y a deux semaines, après que le Centre Cinématographique Marocain (CCM) a annoncé le nom du film marocain qui va concourir aux présélections des Oscars 2018 dans la section « meilleur film étranger ». Réunie les 14 et 15 septembre derniers au sein du CCM, une commission de sélection présidée par l’écrivain et peintre Mahi Binebine a porté son choix sur «Razzia» de Nabil Ayouch.

Mais cette décision n’a pas été du goût de tous. En l’occurrence, la Chambre Nationale des Producteurs de Films, dont le président Mohammed Abderrahman Tazi a dénoncé le choix «prémédité» des membres de la commission «parmi les personnes ayant des relations de travail avec Nabil Ayouch». Des accusations qui ne sont pas sans fondement quand on sait que la fille de Binebine tient l’un des rôles principaux dans le film, et que l’exploitante de salle de cinéma Mounia Layadi est une distributrice du film, sans oublier les réalisatrices Zakia Tahiri et Samia Akariou, également membres de la commission de sélection, ont déjà collaboré avec la maison de production de Nabil Ayouch, Ali n’ Productions.

«Notre seule chance aux Oscars»

De son côté, Mahi Binebine s’est justifié en expliquant que les sept membres de la commission ont été nommés il y a trois mois, quand il n’était même pas question que Razzia soit sélectionné. Alors, «dire qu’il y a eu des magouilles est une insulte à mon intégrité», s’est indigné l’auteur de du Fou du roi, interrogé par H24Info. Pour lui, il ne fait aucun doute que «Razzia est notre seule chance aux Oscars».

Ce rêve deviendra-t-il réalité? Nous ne le saurons que le 23 janvier prochain, date où seront dévoilés les cinq finalistes qui s’affronteront pour la place de «Meilleur film en langue étrangère» des Oscars 2018. Mais en attendant la tenue de la grand-messe américaine du cinéma, qui se tiendra le 4 mars prochain au théâtre Kodak de Los Angeles, que savons-nous de l’Oscar du «Meilleur film étranger»? Comment se déroule la sélection? Quelles sont les véritables chances de «Razzia»? Le Maroc a-t-il déjà eu des représentants aux Oscars?

Le Maroc vainqueur, pas Nabil Ayouch

Créé en 1948, avant de passer au statut compétitif en 1957, l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, également appelé Oscar du meilleur film étranger, récompense chaque année un long-métrage produit hors des Etats-Unis et dont la langue principale n’est pas l’anglais. Pour être éligible, le film doit être sorti dans son pays d’origine entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017.

Chaque pays du monde peut envoyer un film pour le représenter aux présélections, à condition qu’il soit choisi par un comité rattaché à l’instance cinématographique ou culturelle locale, et qui est composé d’artistes ou de professionnels du domaine. Ainsi, en 2016, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui décerne tous les Oscars, a reçu pas moins de 81 candidatures.

Les films présélectionnés sont ensuite soumis à des votes, qui se déroulent en diverses phases. La première permet de constituer une short-list de 9 films, parmi lesquels le comité de l’Oscar du film étranger désigne par votes secrets les cinq films nominés pour l’Oscar du meilleur film étranger. Un dernier vote exclusivement réservé aux membres actifs de l’Academy permet enfin de choisir le vainqueur. Mais, contrairement aux autres catégories, bien que le trophée soit remis au réalisateur et que son nom soit gravé sur la statuette, le récipiendaire officiel de l’Oscar du meilleur film étranger est le pays représenté.

Une concurrence des plus rudes

Le royaume a commencé à proposé des films pour concourir aux Oscar à partir de 1977, avec «Noces de sang» de Souheil Ben-Barka. A ce jour, 12 autres propositions ont suivi, à savoir «Mektoub», «Ali Zaoua: prince de la rue», «La symphonie marocaine», «Adieu mères», «Casanegra», «Omar m’a tuer», «Mort à vendre», «Les chevaux de Dieu», «La Lune de sang», «Aida», «A mile in my shoes» et enfin «Razzia». «Omar m’a tuer» du réalisateur franco-marocain Roschdy Zem est le seul d’entre ces films à avoir atteint la short-list des 9 en 2011.

«Razzia» conjurera-t-il le mauvais sort en accédant au quinté final pour l’Oscar du meilleur film étranger 2018? Impossible de le savoir, car il reste encore beaucoup à faire. En effet, «ce sont les Oscars, il ne suffit pas d’être proposé, il faut aussi faire du lobbying», nous a encore confié Mahi Binebine. Pour lui, rien n’est encore joué, et il faut avoir des reins solides pour pouvoir accéder à la sélection finale.

L’Etat doit s’impliquer

Pour qu’un film ait des chances, il a besoin du soutien de grands producteurs, qui organiseront de grandes soirées de projection, avec des centaines d’invités importants, afin de montrer le film et le faire connaître auprès des décideurs hollywoodiens. «Il faut déployer une grosse artillerie, et l’Etat devrait s’impliquer pour soutenir le film», résume Binebine. Vu les dizaines de films qui seront en compétition aux présélections, la lutte s’annonce très rude.

D’autres pays ont également déjà choisi leurs poulains pour les Oscars. Parmi eux, on peut citer la Palme d’Or «The Square» (Suède), «In The Face» (Allemagne) dont l’actrice Diane Kruger a remporté le Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes, ou encore «Corps et Âme» (Hongrie), récompensé de l’Ours d’Or au dernier Festival de Berlin. La France, elle, a opté pour «120 battements par minute». Et la liste est longue.

A-t-on des raisons de crois en «Razzia»? Binebine est catégorique: «Je pense qu’il peut finir dans le quinté final», a conclu l’artiste qui s’est dit séduit par la construction du film de Nabil Ayouch, et surtout par le jeu impressionnant des acteurs.

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