Histoire de la chute de Sebta et Melilla. Ep-4: l’histoire arabe et peu racontée de Melilla

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Image d'illustration/ Enrique Serra Auqué, «Conteur marocain»

Rusadir, Malila,Tamlilt, appelée de nos jours Melilla est tombée entre les mains des Espagnols le 17 septembre 1497. Tantôt amazigh, arabe et espagnole, retour sur la riche histoire de cette ville.

Melilla est depuis le XVe siècle sous domination espagnole. Avant sa conquête par le duc de Medina Sidonia, Juan Alonso Pérez de Guzmán (1464-1507), la ville a été la terre d’accueil de plusieurs autres civilisations et dynastie.

Les premières mentions portant sur la ville remontent à l’époque phénicienne, où elle était appelée Rusadir. «L’ancienne Rusadir a probablement été fondée entre les VI e et le VII e siècle av. J. -C. par les Phéniciens (…) cependant, il existe des découvertes archéologiques qui confirment une colonisation encore plus ancienne», affirme-t-on dans «Melilla-Vienne, un inédit axe d’investigation social» de Peter Cichon, Max Doppelbaeur et Sonia Gamez.

«Faisant partie de Carthage, après la Troisième guerre punique, Rusadir est tombé aux mains de l’Empire romain. Après le 3ème siècle après J. C les données historiques sont perdues. Il est très probable que Rusadir a continué d’exister comme lieu de commerce méditerranéen, mais ce n’est que dans la seconde moitié du IXe siècle que le géographe Al Yakubi mentionne une colonie appelée Malila, «la blanche»,une région qui a très probablement été peuplée par les Amazighs qui se sont installés sur ce territoire depuis le VIIIe siècle», poursuit la même source.

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L’histoire musulmane de la ville est d’une grande richesse et elle est racontée par plusieurs géographes et historiens arabes. La ville eut en effet une grande importance lors d’Al-Andalus.

«Vers 318/930, le calife umayyade d’Espagne Adl al-Rahman III al-Nasr li-din Allah réussit à détacher du parti fatimide le fameux chef miknasien Musa b. Abil Afiya, qui avait établi son autorité sur le bassin de la Moulouya et la région de Taza ; s’étant alors emparé de Melilla, al Nasir fit entourer la ville de remparts et la donna à son nouvel allié qui disposa dès lors d’un centre de résistance (ma ‘kil) contre les Fatimides d’Ifrikiya et d’un port qui lui permettait des relations faciles avec l’Espagne», lit-on dans «l’Encyclopédie de l’Islam» (Éd. EJ Brill).

Une riche histoire arabe et musulmane

La ville demeura l’un des points d’appui des Miknasa au Maroc jusqu’au moment de la décadence de cette tribu, qui fut définitivement battue et dispersée par l’Almoravide Yusuf b. Tashfin en 462 (A.H)/1070, indique la même source citant le célèbre géographe Al Bakri (de son nom complet Abū Ubayd Abd Allāh ibn Abd al Aziz ibn Muḥammad Al Bakri) qui a écrit une grande partie de cette histoire arabe et musulmane racontée encore aujourd’hui.

«À l’époque où écrivait Al Bakri (460 A;H/1068), Melilla était une ville entourée d’un rempart de pierre ; à l’intérieur, on trouvait une citadelle très forte, une grande mosquée, un hammam et des marchés. Les habitants appartenaient à la tribu des Banu Wartadi (ou : B. Wartada), branche du groupe sanhadjien des Battuya», lit-on dans l’encyclopédie.

De par sa position stratégique, Melilla était alors une grande route commerciale, partant de «la vallée des Moulouya et Agarsif (français Guercif) reliait Sidjilmasa à la Méditerranée». Hasan Al-wazzan, plus connu comme Léon l’Africain (1494- 1554) raconte qu’à l’époque le trafic devait y être très important et que les produits exportés étaient «le fer tiré des mines de la montagne des Banu Sa’id et le miel du pays des Kabdana ; on peut aussi y ajouter les perles que l’on recueillait dans les huîtres pêchées dans le port même».

La suite de l’histoire est moins glorieuse, car la ville pâtira des affrontements et combats internes. «(…) À la fin du XVe siècle, la situation semblait bien différente. La rivalité et les combats fréquents entre les souverains de Fès et de Tlemcen pour la possession de la ville, que chacun considérait dans ses démarcations respectives, avaient fini par fatiguer ses habitants au point que beaucoup ont choisi de l’abandonner», écrit l’historienne Rafaela Castrillo Marquez dans «Melilla sous les Medina Sidonia, à travers la documentation existant de la bibliothèque royale de Madrid».

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Cette théorie est également exposée par Leon l’Africain, mais l’expliquant d’une autre manière. En effet, ce dernier rapporte que, «vers 895 (H. A)/1490, ayant entendu parler d’une attaque prochaine par les Espagnols, les habitants de la ville l’abandonnèrent et se réfugièrent dans les montagnes de Battuya ; pour les punir de cet abandon, le sultan wattaside fit incendier la ville».

Les Espagnols cherchaient depuis le temps à occuper la ville. Le roi Fernando II envoya Martín Galindo à Melilla pour voir s’il était possible de la prendre aux arabes. «Son rapport était si négatif que le monarque décida d’abandonner, pour le moment, son idée», note Rafaela Castrillo Marquez.

Mais, Juan Alonso Pérez de Guzmán, alors duc de Medina Sidonia (poste de grande responsabilité, conférant à son détenteur des pouvoirs économiques, militaires et diplomatiques) pensait tout le contraire et milita pour que cette expédition ait bien lieu. C’est ainsi que «cinq mille fantassins et quelques chevaux qui constituaient l’expédition, financée par le duc et dirigée par son comptable Pedro d’Estopiñán» partirent du port de Sanlúcar fin septembre 1497 vers la ville de Melilla.

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Pedro Estopiñán a pris possession de la ville de Melilla le 17 septembre 1497./Crédits : DR

«Lorsque les Espagnols se présentèrent, ils purent débarquer sans rencontrer de résistance, et ils occupèrent une ville abandonnée et à moitié détruite», écrit Leon l’Africain, cité dans l’Encyclopédie de l’Islam. «L’absence de résistance rencontrée par les troupes du Duc lors du débarquement ne permet pas d’utiliser le terme « conquête » pour désigner cet événement, comme certains auteurs l’ont fait. Ainsi, une partie des auteurs de traités modernes, avec de meilleurs critères, préfèrent utiliser le mot « occupation » comme plus approprié, qui pourrait peut-être être alterné dans son utilisation avec l’expression, également correcte, de « prendre possession »», souligne l’historienne Castrillo Marquez.

Dès l’année suivante, les Espagnols affectent à Melilla des centaines de soldats pour peupler la zone. Dès l’année suivante, les Espagnols affectent à Melilla des centaines de soldats pour peupler la zone. Les tentatives afin de récupérer la ville tardèrent à se mettre en place. Le sultan Moulay Ismail parviendra à l’assiéger en 1687 et 1695. Mohammed III mènera une campagne similaire en 1774, mais en parviendra pas à reprendre la ville, aujourd’hui encore, plus de cinq siècles plus tard, entre les mains des Espagnols.

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