Cinéma: Hicham Lasri « fait revivre l’esprit du court-métrage » avec sa trilogie « Marroc »

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Capture d'écran "Androids and zombies", crédits Hicham Lasri

Depuis hier soir, et pendant trois jours, le réalisateur Hicham Lasri partage sur YouTube une trilogie de court-métrages intitulée « Marroc », traitant de manière « fantaisiste » des thématiques sociales telles que le chômage ou la violence à l’encontre des femmes dans l’espace public. 

« Après mon sixième long-métrage, j’ai décidé de redevenir un jeune ‘court-métragiste’ et de reprendre le chemin du format court pour me ressourcer et renouveler mon désir de cinéma », écrit le réalisateur dans sa note d’intention.

« Quand j’ai réalisé mon premier court-métrage, au début des années 2000, ça m’a pris beaucoup de temps, il y avait beaucoup de soutien et de capitaux, c’était très important d’un point de vue institutionnel, ce qui donnait l’occasion aux artistes d’aller au bout de la recherche et de la démarche de court-métrage. A un moment donné, on a commencé à prendre à la légère la question de la création de court-métrage au Maroc. Les gens n’étaient pas motivés par une quête artistique, c’était juste un détail technique ou administratif », analyse Hicham Lasri, contacté par nos soins.

« Le court-métrage est à la fois une école
et une carte de visite »

L’artiste pluridisciplinaire appelle ainsi à davantage de considération des artistes en devenir. « Le court-métrage est à la fois une école et une carte de visite qui permet le passage au long métrage. Les formats court sont des formats de transition pour les artistes donc il faut se donner les moyens de bien faire, c’est un investissement sur l’avenir, que ce soit dans la chanson, le cinéma, le théâtre ou la littérature », explique le cinéaste confirmé qui a souhaité se replonger dans l’exercice du court-métrage.

« A la fois on réapprend l’humilité et on renouvelle le désir de cinéma. Un réalisateur vieillit extrêmement vite, on commence alors à pérorer, à avoir des convictions, etc. Moi j’aime bien l’idée de remettre en question tout ça et de repartir à zéro, comme rebouter ma manière de voir le cinéma pour garder le désir intact, pour garder cette soif, cette énergie, cette hargne de cinéma, et d’art en général. Le doute est fondamental dans la démarche artistique car à chaque fois, on questionne à la fois le réel, ses propres choix, et de cette dialectique-là naissent les plus belles choses, fragiles, qui assument leur vulnérabilité, qui regardent le monde avec des yeux d’enfants… », détaille le réalisateur.

Ainsi, dans cette période où l’art et la culture sont à l’arrêt, Hicham Lasri apporte sa contribution afin de diversifier les contenus partagés sur les réseaux sociaux pour divertir le public durant cette crise sanitaire. « Le résultat est une trilogie composée de trois court-métrages aux thématiques sociales et au traitement fantaisiste… Chaque film est un chapitre qui raconte le destin de personnages atypiques dans une réalité anxiogène, mythologique, de film de genre, de comédie sur l’irrationnel et l’amour du cinéma… » poursuit l’artiste qui a travaillé sur ce projet pendant un an et demi.

Au chômage, Lotfi passe une journée de ramadan, au quartier, à discuter avec son ami Hakim, vendeur de dvds (The last arab movie). X tue sa femme à coup de poisson parce qu’elle le trompe avec son voisin (Androids and zombies). Déprimée, son mari (interprété par Hicham Lasri) ayant tué son chien, Nada marche dans les rues pour noyer son chagrin, tirant en laisse l’objet du crime: un micro-onde. Face à elle, la rue et sa brutalité (Cruelty free).

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Capture d’écran extrait de « Cruelty free », crédits Hicham Lasri

Comme à son habitude, Lasri interroge la noirceur de l’âme aux prises avec les complexités de sa condition humaine, dans un univers burlesque et surréaliste, si propre au réalisateur. S’il a choisi le format court, c’est pour faire « revivre l’esprit du court-métrage », devenu selon lui « moribond et noyé sous le manque de moyens et le manque d’ambition de la plupart des court-métrages produits au Maroc pour répondre à un impératif administratif » (nécessité d’un agrément pour l’exercice des maisons de production).

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Capture d’écran extrait de « Androids and zombies ». Crédits Hicham Lasri

Le réalisateur dresse ainsi un bilan plutôt pessimiste sur l’état du court-métrage marocain: « une pléthore de court-métrages bricolés majoritairement par des producteurs sans scrupules et de jeunes réalisateurs un peu trop jeunes pour se battre pour imposer une vision singulière et cinématographique ».

« Le problème du cinéma au Maroc, c’est qu’on prend tout à la légère et qu’on fabrique tout avec très peu d’enthousiasme. Cela fait de notre cinéma un cinéma faible parce que c’est mal écrit, et autarcique. Son ambition est juste d’être un cinéma local », explique-t-il. Avec cette production, Lasri ambitionne de « donner à voir, mais aussi de donner envie pour élever le débat de la production cinématographique marocaine monopolisé par des marchands sans vision, ni passion, ni envie… ».

« On est dans un pays où beaucoup de gens, quand ils ne sont pas passionnés, trichent. C’est facile de faire un film, mais c’est très compliqué de faire du cinéma. Le cinéma, c’est une proposition singulière qui questionne le réel. Comment l’artiste ou le cinéaste va procéder pour se singulariser? Par de nouvelles images, une approche, une atmosphère, quelque chose qui fait qu’on sent qu’il y a une patte, un regard, un parti-pris, un point de vue. Qu’on n’aime ou pas, c’est ce qui est intéressant avec le cinéma, on n’a pas besoin d’adhérer, on a besoin d’être dépaysé », plaide l’artiste.

Hicham Lasri diffuse ces trois créations sur YouTube, un réseau social qui a « démocratisé le processus de diffusion et de réception de l’art ». L’adoption de ce réseau social n’est pas anodine. Il permet « de rentrer en contact direct avec l’audience, surtout en ces temps de pandémie », écrit l’artiste pour qui il est important « de continuer à créer loin des débâcles stériles de l’industrie audio-visuelle au Maroc ».

Programme de diffusion sur YouTube:
The last arab movie, vendredi 25 septembre à 20h;
Androids and zombies, samedi 26 septembre à 20h;
Cruelty free, dimanche 27 septembre à 20h.

 

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