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Crédits carbone: quelles opportunités pour l’économie marocaine ?
Publié leAlors que la première fumée blanche de la COP 29 vient de paraître avec l’adoption des règles inaugurant la régulation du marché des crédits carbone, se pose la question des retombées pour le Maroc, engagé depuis des années pour les énergies renouvelables.
À Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, où se déroule la 29e édition de la Conférence des Parties (COP), les représentants de 200 pays se sont accordés sur les premiers textes réglementant le marché du crédit carbone. Le texte adopté, et qui devrait être complété, essuie déjà les critiques. L’AFP relève à cet effet les réserves de certains acteurs comme Oil Change International qui tance «une décision prise sans débat ou examen du public».
En attendant que les textes adoptés ne soient accessibles, la Rédaction de H24 s’est intéressée aux retombées possibles que cette nouvelle réglementation pourrait avoir pour le Maroc. Il est essentiel de comprendre le concept du marché du crédit carbone. «Un marché de crédit carbone, c’est lorsqu’une entreprise émettant quelque 100 tonnes (t) réduit ses émissions d’environ 60 t grâce à un projet climatique ou d’énergie renouvelable», explique l’expert énergéticien Saïd Guemara. Il poursuit en disant que chaque tonne gagnée représente un crédit carbone. Ainsi, le marché prend forme quand cette entreprise et une autre plus polluante s’accordent pour une transaction autour de ces crédits carbone.
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Cette avancée sur le marché carbone est donc significative pour un pays comme le Maroc, qui s’est positionné depuis très longtemps sur la réduction de ses émissions de carbone. Le Royaume s’est engagé à réduire de plus de 45% ses émissions de carbone, un objectif appuyé par d’importants projets d’énergie renouvelable. Le pays vise un objectif de 52% de substitution de son énergie par du renouvelable d’ici les 4 prochaines années, ce qui devrait générer des gains d’émission substantiels. En principe.
Sauf que, pour Saïd Guemara, la mesure de Bakou ne devrait pas avoir un impact prégnant au Maroc en l’état actuel des choses. «Il faut s’attendre à un petit marché», souligne-t-il. Ce marché est, dit-il, évalué «à 60 millions pour les crédits actuels de 9 TWh renouvelables par an, issus des grands projets, sur une production totale nette de 42 TWh». Selon l’expert, cette estimation est très faible par rapport aux potentialités que pourrait offrir ce marché de crédit carbone. De plus, il affirme que c’est un marché à créer, car inexistant. « Il y a eu une tentative en 2013 avec la création d’un fonds dédié ayant permis de vendre les crédits carbone de l’ONEE. Mais après, il n’y a eu plus rien», fait-il savoir.
Le marché de compensation pourrait en effet constituer une manne financière importante. C’est le cas au Brésil, où l’Américain Amazon et un groupe d’entreprises sont en passe de verser pas moins de 180 millions de dollars en une seule transaction liée au crédit carbone.
Du plomb dans l’aile
Au Maroc, ce marché a du plomb dans l’aile. La cause serait, selon Saïd, les textes réglementaires. «On aurait pu avoir des échanges importants avec l’Europe, mais la loi bloque tout, car ce qui tire un marché carbone vers le haut, c’est l’expansion du renouvelable», explique-t-il. Il poursuit en soutenant que les PME, qui devraient en être les principaux artisans, n’ont pas les moyens. «Les PME ont des petits crédits et la loi freine les initiatives d’autoproduction».
Et les projets d’hydrogène vert et de dessalement, dont les volumes annoncés sont extrêmement importants, «ne sont malheureusement pas considérés comme faisant partie du marché carbone», nous dit l’expert.
Ces premiers textes officiels sur le marché du crédit carbone viennent en application des accords pris à Paris lors de la COP 21 en 2016. Il aura fallu près d’une décennie pour parvenir aux premiers textes qui viendront réglementer un marché qui, jusque-là, fonctionnait au noir, c’est-à-dire sans régulation internationale et sujet à abus, fraudes et écoblanchiment. Le Maroc voit, avec cette mesure, une occasion supplémentaire de repenser sa politique sur l’autoproduction.
Avec la mise en œuvre des premiers textes réglementant le marché des crédits carbone, le Maroc se trouve à un carrefour stratégique. Si la régulation permet de dessiner un cadre plus structuré, la véritable question demeure : pourra-t-on transformer cette opportunité en moteur de croissance durable, ou restera-t-on freiné par des contraintes réglementaires et des ambitions non concrétisées ?