La Confédération marocaine des TPE-PME (CMTPME) a lancé un appel aux autorités pour protéger les…
Cash pooling: les TPME ont-elles raison de s’inquiéter?
Publié leLors d’une conférence de presse tenue la semaine dernière, Abdellah El Fergui a dénoncé une pratique nocive du cash pooling de la part des grandes entreprises. Selon lui, cette pratique est utilisée comme «une technique» par des holdings pour soustraire leurs filiales à leurs obligations de paiement. Ces craintes sont-elles fondées ? Elements de réponse.
Le site spécialisé Westfield-Morocco définit le cash pooling comme «une technique juridique et financière qui permet, en règle générale, de regrouper les soldes créditeurs et débiteurs des sociétés formant le groupe, au sein d’un seul compte». Pour faire simple, cette technique consiste à centraliser la trésorerie de filiales dépendant d’une même holding. Les grandes entreprises y ont recours pour équilibrer les comptes de leurs filiales tout en conservant une vue d’ensemble de la trésorerie du groupe.
Au Maroc, cette pratique est juridiquement encadrée par l’article 18 de la loi n°103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, promulguée par le Dahir n° 1-14-193 du 1er Rabii I 1436 (24 décembre 2014). Le Code monétaire et financier national autorise ainsi les opérations de crédit entre filiales sans enfreindre le monopole bancaire, à condition que cette spécificité soit inscrite dans leurs statuts.
Cependant, si le cash pooling est légal, certaines grandes entreprises l’utilisent « de manière abusive et sans vérification aucune » au détriment des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), a récemment dénoncé Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE-PME (CMTPME). À en croire ce dernier, ces entreprises opèrent des mouvements de fonds entre leurs filiales, allant jusqu’à occasionner des défaillances de trésorerie qui font basculer certaines en situation d’insolvabilité vis-à-vis de leurs prestataires, fournisseurs ou sous-traitants.
Conséquence: les TPME en interaction avec ces entreprises sont dans bien des cas amenées à mettre la clé sous le paillasson, a déploré El Fergui.
Une pratique réglementée
Un avis qui contraste avec ce que disent d’autres acteurs. «Le cash pooling est une pratique bien connue des milieux comptables», explique Essotina Lakougnon, comptable au sein d’un cabinet agréé de la place. À l’en croire, c’est une opération courante qui consiste, pour une holding ou une grande entreprise, à soulager la trésorerie de sa filiale en minorant les coûts d’achat de services ou de produits nécessaires à leur fonctionnement. Elle donne à ce titre l’exemple «d’un groupe de sociétés que nous accompagnons et dont tout le service support, à savoir les achats, la logistique, le financement, et autres, est géré par la holding mère. Puis chaque mois, nous nous occupons de refacturer aux filiales ces prestations assurées».
Des explications qui situent le cash pooling dans le contexte d’une pratique classique, voire banale, à condition, précise notre source, que ces opérations se déroulent entre entités basées sur le même territoire. En effet, selon ses explications, lorsque la holding ou l’entreprise mère est basée à l’extérieur, les mouvements de ce genre font l’objet d’un contrôle minutieux. «Dans ce cas, la DGI (Direction Générale des Impôts) est plus regardante et passe au peigne fin les factures, accordant une attention particulière au prix des transferts et autres détails fiscaux».
Réponse de la CGEM et des banques
Cette réalité du cash pooling, décrite par les différents interlocuteurs, ne fait pas écho à ce qu’évoque pourtant le président de la Confédération des TPE-PME, qui persiste sur les désagréments vécus par les petites entreprises sur ce sujet.
Du côté de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), la réponse est sans ambiguïté. «Fergui ne sait tout simplement pas de quoi il parle», nous rétorque un haut responsable du patronat, qui a requis l’anonymat. Cette source, travaillant étroitement avec la Commission Entrepreneuriat et PME, a également défendu la nature légale de cette opération et réfuté l’idée qu’elle soit préjudiciable aux petites entreprises.
Essotina a également abondé dans le même sens. Son argumentaire souligne qu’à moins d’une décision managériale, le cash pooling ne saurait être employé pour vider la trésorerie de l’une de ses filiales. Toutefois, il reconnaît que si possibilité il y a, elle reste du ressort du dirigeant et de sa banque.
Niet, nous dit-on du côté bancaire, soulignant que «La banque a le pouvoir de surveiller les transactions pour s’assurer qu’elles sont conformes aux lois et aux règlements. Elle peut également refuser de traiter des transactions qui ne respectent pas les normes de conformité ou qui présentent des risques élevés».
Toutes ces informations discréditent la sortie du président de la Confédération Marocaine des TPE-PME. Pour autant, sont-elles suffisantes pour ignorer son interpellation? Toujours est-il que la Confédération a demandé à la Direction Générale des Impôts et à la Cour des Comptes de se pencher sur la question. Les TPME pesant pour plus de 90 % du tissu entrepreneurial, il ne serait pas de trop que la question soit explorée davantage et rapidement.