Carburants: une tendance haussière des prix qui risque de durer dans le temps

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Le prix moyen à la pompe a atteint au Maroc plus de 15 DH/L pour le gasoil et plus de 17 DH/L pour l’essence. Une situation qui risque d’empirer car les prix pourraient encore s’envoler d’environ 2 DH/L dans les jours à venir.

C’est une énième douche froide que prennent les automobilistes marocains, mais aussi les professionnels du transport. Les prix à la pompe continuent de flamber, atteignant des niveaux historiques. Car, depuis la reprise économique post-Covid et plus encore depuis la guerre en Ukraine, les prix de l’essence et du diesel ont grimpé en flèche au Maroc.

Une hausse qui va se poursuivre

Selon les calculs théoriques des experts de la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants des stations de service au Maroc (FNPCGS), le prix de l’essence dépassera ainsi les 18 dirhams le litre dans certaines villes, alors que celui du diesel devrait flotter au-dessus des 15 dirhams. Néanmoins, cette nouvelle augmentation devrait varier selon les distributeurs et la politique de prix de chaque compagnie.

«Ce ne sont pas les stations-service qui décident du prix du carburant et encore moins de celui des lubrifiants. Nous ne faisons que suivre les décisions prises par les compagnies bien que nous en souffrions nous aussi car nous perdons de plus en plus de clients», explique un patron d’une station de service, préférant garder l’anonymat.

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Le pétrole et le gaz naturel assurent aujourd’hui un peu plus de 60% des besoins énergétiques mondiaux. C’est d’ailleurs pour cette raison que tous les projecteurs sont braqués sur le marché pétrolier qui connaît des perturbations depuis plusieurs mois. A en croire les experts, le monde n’avait pas vu une telle crise depuis les années 80, soit depuis la guerre du Golfe.

En effet, en plus de la crise sanitaire, le conflit russo-ukrainien n’a pas beaucoup aidé. Car, après les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, la Russie est le troisième plus grand producteur de pétrole au monde et c’est surtout son plus grand exportateur.

Si la Russie est un pays souvent présenté comme un état ne produisant pas grand-chose et tirant toute sa richesse de l’exploitation intensive de son immense territoire, ce sont chaque jour 10,5 millions de barils qui sont extraits des sols du plus grand pays du monde.

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Et le Royaume ne déroge pas à la règle mondiale de dépendance des hydrocarbures. La consommation marocaine de carburants a augmenté de 23% depuis 2009 et de 13% par rapport à 2020, pour atteindre 11,2 millions de tonnes en 2021.

En face, la diminution des stocks d’hydrocarbures est préoccupante car elle se situe au-dessous du stock de sécurité de 60 jours, selon la réglementation en vigueur.

«C’est un problème mondial d’inflation qui ne touche pas uniquement le Maroc car la demande dépasse de loin l’offre. Et si dans d’autres pays, les autorités ont bloqué le seuil du prix des hydrocarbures, au Maroc c’est une vraie aubaine pour l’Etat et c’est malheureusement le consommateur moyen qui en pâtit», affirme Mohammed Chiguer, économiste et président du Centre d’études et de recherches Aziz Bilal.

Un quatrième «super cycles» 

Ainsi, le monde a connu jusqu’ici trois «super cycles» pour ce qui des prix des matières premières. Le premier au début du 20e siècle, le second après la fin de la deuxième guerre mondiale, et le dernier au début des années 2000 avec l’émergence des BRICs et la montée en puissance de la Chine. Un super cycle dans le monde des «commodities» est une augmentation des prix des matières premières sur une longue durée, entre 10 à 20 ans.

Et ces trois super cycles historiques qu’a connus le monde ont été tous tirés par des éléments fondamentaux, comme la forte hausse de la demande.

«Ce que l’on perçoit fin 2020 comme un effet de rattrapage des effets de la crise, avec la remontée des prix du pétrole, du gaz et de certains minerais, ressemble de plus en plus aujourd’hui à une tendance de fond qui risque de durer sur le temps. Et plusieurs économistes n’excluent pas l’hypothèse du début d’un quatrième super cycle mondial sur l’ensemble des matières premières», explique l’économiste.

Une nouvelle pas très réjouissante pour un pays comme le Maroc, importateur net d’énergie (pétrole, gaz, charbon, hydrocarbures…), de matières premières agricoles (céréales, colza, huile de palme, maïs…) ou encore de métaux (fer, acier, cuivre…) pour ses industries.

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«Il faut savoir que plus le prix du litre augmente, moins nous gagnons en marge puisqu’elle est fixe. Pire. Nous payons plus pour la cotisation minimale car le chiffre d’affaires augmente également. Nous sommes frappés de plein fouet et fermons de plus en plus de stations de service», déclare le gérant d’une station-service.

En effet, les pompistes ont une marge de bénéfice allant de 35 à 40 centimes/L en fonction des stations. Et quelque-soit le prix, la marge ne change pas. Bien au contraire, elle diminue. Pour faire facile, 40 centimes déduits d’un litre qui coûte 7 dirhams constituent un peu moins de 6% du prix alors que 40 centimes retirés d’un litre qui coûte 20 dirhams constituent 2% seulement de bénéfices.

Selon notre source, un camion citerne de 33T de carburant qui ne dépassait pas avant la crise le prix de 280.000 dirhams, coûte dorénavant quelque 500.000 dirhams. «Vous imaginez que pour avoir deux livraisons seulement de carburant, la station doit avoir sous la main au minimum 100.000 dirhams et nous nous attendons à pire dans les jours à venir», se plaint le professionnel.

Et il a bien raison car les tendances sur les derniers mois donnent en effet le tournis. Du 30 avril 2020 au 30 avril 2021, le prix du bois a explosé de 300%, le pétrole de 222% dépassant la barre des 75 dollars, l’acier est monté de 210%, le fer de 130%, le cuivre de plus de 100%, le charbon thermal qu’on utilise dans nos centrales électriques a connu une hausse de 80%, quand le prix du gaz naturel a triplé…

« Par ailleurs, à l’horizon 2023, le ministère de tutelle envisage d’accroître les capacités de stockage de 550.000 tonnes, pour un investissement estimé à 2 MMDH. Et, pour l’heure, les capacités de stockage des produits GPL (gaz de pétrole liquéfié) au Maroc atteignent 1,3 million de tonnes, dont 93% sont liés aux ports. Les capacités de stockage de GNL (gaz naturel liquéfié), quant à elles, sont de 324.000 tonnes dont 88% liés aux ports », selon des données révélées par la ministre de la Transition énergétique Leila Benali lors d’une conférence de presse.

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Toujours selon la même source, « la consommation nationale de carburants lors des deux premiers mois de 2022 par rapport à la même période en 2021 fait état d’une diminution de l’ordre de 7%. En comparaison avec 2020, toujours lors des deux premiers mois de l’année, la consommation s’est accrue de 4%. Seule la consommation de kérosène a chuté de 50% en raison de la fermeture des frontières ».

«Je pense que les prix vont même dépasser ce qui a été annoncé car nous n’arrivons toujours pas à voir le bout du tunnel. Et plus les citoyens consommeront sans rien dire, plus les choses vont se compliquer encore et encore», souligne Mohammed Chiguer.

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