Bicentenaire de Karl Marx: l'auteur du Capital en dix dates

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Celui qui donna son nom au marxisme et façonna profondément le 20e siècle par sa théorie de la révolution aurait eu deux siècles ce samedi. À cette occasion, retrouvez les dix dates qui ont marqué la vie et l’œuvre de ce philosophe aussi admiré que décrié.

● 1818: naissance en Allemagne
Karl Marx naît le 5 mai à Trèves, dans le Royaume de Prusse, loin du mouvement ouvrier. Son père avocat, Heinrich Marx, descend d’une famille de rabbins ashkénazes, mais s’est converti au protestantisme peu avant la naissance de son fils, pour pouvoir exercer sa profession. C’est également le cas, quelques années plus tard, de sa mère, Henriette Pressbourg, issue d’une famille juive hollandaise.
● 1841: il obtient son doctorat en philosophie
Il soutient en 1841 sa thèse sur Démocrite et Epicure. Ses années étudiantes à Berlin sont marquées par un engagement déjà politique. Il fait partie des «jeunes hégéliens» encore appelés «hégéliens de gauche», des disciples du philosophe allemand G. W. F. Hegel, dont ils reprennent la méthode dialectique, mais dans une forme révolutionnaire qui s’attaque tant à la religion – notamment chrétienne – qu’à la politique – notamment le régime de la Prusse impériale. En 1842, à Cologne, il devient rédacteur en chef d’un nouveau journal, La Gazette rhénane, mais son orientation révolutionnaire lui vaut d’être interdit dès 1843.
● 1843: mariage avec Jenny von Westphalen
Il épouse cette année-là une amie d’enfance, originaire d’une famille de la noblesse rhénane, Jenny von Westphalen, dont le frère aîné, particulièrement conservateur, sera ministre de l’Intérieur en Prusse. Ils auront sept enfants, mais quatre d’entre eux mourront en bas âge. Cette même année, il s’installe à Paris pour fuir la censure.
● 1844: rencontre avec Engels
C’est le début d’une grande amitié et d’une longue collaboration. À Paris, il rencontre le révolutionnaire Friedrich Engels, fils d’un riche industriel. En 1845, expulsé de France, Karl Marx se réfugie à Bruxelles, où il devient vice-président de l’Association démocratique de Bruxelles. Avec son ami Engels, il adhère aussi à la Ligue des communistes, pour laquelle ils publient en 1848 le célèbre Manifeste du parti communiste. On peut y lire ces mots célèbres: «Les idées dominantes d’une époque n’ont jamais été que les idées de la classe dominante».
● 1848: révolution en France puis en Allemagne
En France, la révolution de 1848 entraîne la chute du roi Louis-Philippe. C’est l’occasion pour Marx de revenir à Paris, avant de rejoindre l’Allemagne quand la révolution s’y exporte. Mais celle-ci ne dure pas longtemps et il rejoint Londres en 1849, où il s’installe définitivement. Il y vit pauvrement, aidé financièrement par Engels. Il publie, en 1852, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, une critique de Napoléon III et de son coup d’État de 1851. On peut y lire notamment cette phrase célèbre, en référence à un autre coup d’État, celui de Napoléon 1er en 1799: «Tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce.»
● 1864: la «Première internationale»
Le 28 septembre 1864, des syndicalistes britanniques organisent à Londres un congrès ouvrier qui a vocation à réunir leurs homologues de toute l’Europe. À cette occasion est créée l’Association internationale des Travailleurs (AIT), qui sera appelée ultérieurement la «Première internationale». Karl Marx y joue un rôle structurant puisqu’il publie à cette occasion une «Adresse inaugurale», dans laquelle il estime notamment que «l’émancipation définitive de la classe travailleuse» passera par «l’abolition définitive du salariat».
● 1867: publication de la première partie du Capital
Au-delà de ses activités au sein de l’AIT, Marx se livre surtout à ses recherches en économie, en histoire et en philosophie. Il publiera au total une soixantaine d’ouvrages. Mais son ouvrage phare, pour lequel il a travaillé plus de vingt ans, reste Le Capital, dont il publie la première partie en 1867. Cette œuvre monumentale est, comme son sous-titre l’indique, une «critique de l’économie politique». Marx y décrit les contradictions inhérentes du capitalisme, qui le mèneront, selon lui, à son effondrement, et dénonce l’exploitation des classes laborieuses. Selon sa «théorie de la plus-value» développée à partir d’un concept du sociologue révolutionnaire Pierre-Joseph Proudhon, la bourgeoisie capte la plus-value du travail ouvrier, amassant toujours plus de capital.
Au-delà de son aspect économique, Le Capital a une forte dimension philosophique. Le moteur de l’histoire est, selon Marx, la lutte des classes. Dans ce cadre, le prolétariat doit s’unir à l’échelle internationale pour prendre le pouvoir et doit ensuite organiser une dictature pour abolir les classes sociales. Une fois achevée cette phase (supposée) transitoire, Marx imagine une nouvelle période de démocratie réelle où l’État, qui n’a plus lieu d’être, est aboli. C’est le communisme proprement dit, qui apparaît comme la fin ultime du projet marxiste, alors que le socialisme apparaît davantage comme le moyen d’y accéder.
● 1872: conflit avec Bakounine
En 1868, le révolutionnaire russe Mikhaïl Bakounine, théoricien de l’anarchisme, décide d’adhérer à l’Association internationale des Travailleurs. «Ma patrie maintenant, c’est l’Internationale, dont tu es l’un des principaux fondateurs. Tu vois donc, cher ami, que je suis ton disciple, et je suis fier de l’être», écrit-il à Marx. Cette idylle ne dure pas longtemps. Marx soupçonne Bakounine de vouloir devenir le «dictateur du mouvement ouvrier européen», ce dernier évoquant une possible «lutte à mort» avec son rival. Il y a, entre eux, un débat de fond. Les marxistes reprochent aux anarchistes de mettre la charrue avant les bœufs. Pour les premiers, l’anarchie n’est pas un moyen, mais une fin: après la dictature du prolétariat et l’abolition des classes, l’État peut disparaître, mais pas avant. La scission entre les deux groupes a lieu en 1872 à La Haye lors du VIIIe congrès de l’AIT.
● 1883: mort à Londres
Quand il meurt à Londres, en 1883, à l’âge de 64 ans, Marx a déjà gagné une influence considérable, mais, en revanche, sur le plan politique, le «Première internationale» n’a pas survécu à ses luttes intestines. L’AIT est dissoute dès 1876.
● 1885-1894: publication posthume, par Engels, de la fin de Le Capital
Engels a récupéré, à la mort de Marx, les brouillons de la fin du Capital. Il publie les livres 2 et 3 en 1885 et en 1894, formant ainsi le second tome de cette bible du communisme. En 1889, Engels fut aussi à l’origine de l’Internationale ouvrière, la «Deuxième internationale». Rétrospectivement, avec l’essor des régimes communistes au 20e siècle, Karl Marx apparaît comme l’un des philosophes les plus influents de l’histoire. «Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer», écrivait-il dans ses Thèses sur Feuerbach. Une maxime qui s’est révélée partiellement exacte, pour le meilleur et pour le pire, même si, en la matière, sa possible responsabilité, quoiqu’indirecte, dans les crimes du communisme fait toujours l’objet d’inextricables débats idéologiques.

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