Plusieurs personnes ont été arrêtées en marge des actes de violence qui ont marqué le…
Heurts à Amsterdam: «Les Ultras vivent du conflit symbolique qui parfois vire à l’affrontement», analyse le sociologue Bourkia
Publié lePlusieurs personnes ont été blessées jeudi dernier en marge d’un match de football entre le Maccabi Tel-Aviv et l’Ajax à Amsterdam, dans des heurts violents entre supporters. Des tensions qui avaient débuté la veille de la rencontre, avec notamment des chants racistes de la part des Israéliens. Abderrahim Bourkia, sociologue, écrivain, professeur à l’Institut des sciences du sport (I2S) à l’Université Hassan 1er de Settat, nous apporte son éclairage sur ces événements.
Une soirée de football qui a viré au cauchemar jeudi dernier à Amsterdam. De violents affrontements ont éclaté en marge du match de Ligue Europa entre l’Ajax et le Maccabi Tel-Aviv. Ces incidents, qui ont choqué par leur intensité, surviennent dans un contexte de tensions intercommunautaires préexistantes, exacerbées par la rencontre sportive.
Les heures qui ont précédé le match ont été marquées par divers incidents impliquant des supporters du Maccabi Tel-Aviv. Des dizaines de fans du club ont ainsi été filmés en train de chanter en hébreu « Mort aux Arabes ! On va gagner ! », ou encore « Laissons Tsahal gagner pour finir les Arabes » et autres chants racistes, dont des slogans hostiles à la Palestine.
« L’extension des agissements et des incivilités dans l’espace publique renvoie à l’idée des provocations des groupes de visiteurs à l’égard des habitants des villes où leur équipe joue. Leur cible n’est ceux qui portent les couleurs des rivaux, mais toute personne qui pourrait s’opposer ou pas qui se trouve sur leur passage au mauvais moment et à la mauvaise place. Le style skinhead est largement répandu dans ce milieu », explique Abderrahim Bourkia, professeur de sociologie du Sport à l’Institut des Sciences du Sport de l’Université Hassan 1 Settat.
Ceci, nous dit le sociologue, ne se limite pas à l’apparence vestimentaire, mais favorise aussi la propagation des « idées néonazies » et « d’extrême droite ». « Les combats spontanés et les affrontements sont monnaire courante dans ce milieu. L’expression claire de l’idéologie politique. Il s’agit des affrontements de deux groupes antagonistes, d’un côté les supporters de l’équipe israélienne Maccabi et ceux du prestigieux club néerlandais d’Ajax Amsterdam. Auxquels se sont ajoutés d’autres riverains qui n’ont pas apprécié les propos des ultras macchab bien connu par leur populisme et rapprochement des partis d’extrême droite israélienne », précise l’auteur du livre Des Ultras dans la ville.
Pour lui, le football offre un terrain de choix tant qu’il est investi d’attentes et chargé de significations, celles d’incarner et de représenter des identités, de défendre l’honneur d’une cité, d’une région voire d’une Nation, d’une culture ou d’une religion.
Souvent les supporters ultras défraient les chroniques par leurs actions démesurées par leur humeur noire, leur culture virile et agressive.
« Ils sont souvent mis dans le même sac que les supporters hooligans que nous avons vu dans les rues d’Amsterdam. Ce qui est intéressant à observer chez le groupe ultra de Maccabi réside des trajectoires d’engagement de certains supporters. On distingue chez eux les sympathisants, des adhérents, des militants et leaders. Certains ne sont pas à leur premier coup d’essai et leur engagement dépasse la cause footballistique. Il est temps de revoir leur parcours pour comprendre leur logique de recrutement et d’adhésion au collectif et l’accès à des responsabilités au sein de ce groupe déjà connu par ses tendances fascistes et ses agissements agressifs », affirme ce spécialiste des mouvements des Ultras.
Il précise toutefois que les chants et les slogans ne sortent pas du lot des manières d’être des Ultras dans le monde entier avec la coloration et la marque déposée des groupes fascistes qui cherchent à provoquer les autres par des propos xénophobes et d’entrer dans les affrontements physiques. Les supporters ultras sont davantage dans le conflit symbolique qui pourrait éventuellement virer à l’affrontement physique.
Lire aussi. France: forte polémique autour d’un tifo pro-palestinien des supporters du PSG
« Nous avons deux représentations de supporters ultras. Il y a la figure incarnée du «rebelle» en révolte contre un ordre politique et «rétif» à toute forme d’autorité qui colle aux Maghrébins, aux Égyptiens et que l’on trouve en France ou encore en Italie. Et parallèlement, il y a la figure du hooligan nationaliste et raciste que l’on croise en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Croatie. Les hooligans nationalistes se trouvent également dans les rangs de supporters de certains clubs en Israël dont nous avons eu un échantillon avec les Ultras de Macchab. D’autres, comme ceux du club Beitar Jeusalem, ont déjà été signalés et reportés par la presse de l’Etat Hébreu. On peut éventuellement répéter les exemples à l’envi de ses groupes extrémistes qui cherchent à contrôler les gradins », affirme Bourkia.
Le sociologue rappelle que les signes, symboles et gestes sont étroitement liés au contexte actuel comme celui d’arracher un drapeau palestinien, agresser un chauffeur de taxi, proférer des chant de haine ou encore s’abstenir à observer une minute de silence. « Le spectre de la manipulation des groupes les plus radicaux serait «noyauté» par les partis d’’extrême droite qui gagne jour après jour le monde entier surtout en Europe. Israël n’y échappe pas », dit-il.
L’autre groupe de protagonistes, poursuit notre chercheur, ne serait pas insensible aux agissements des supporters visiteurs qui incarnent symboliquement, sans prendre en consécration ce qui se passe à Gaza, ceux qui cherchent à s’imposer et «coloniser» leur territoire. « Chaque groupe a exprimé sa position non seulement de l’événement footballistique mais les événements plus généraux relatifs au monde dans son ensemble. Les ultras antagonistes se disent capables et en mesure de défendre leur point de vue et leur position partout, pas seulement au stade et peu importe la manière », conclut le sociologue.