La Cour d'appel d'Alger a alourdi sensiblement dimanche une condamnation contre le patron de presse…
Algérie: libération du journaliste Ihsane El Kadi et d’une dizaine de détenus d’opinion
Publié leLe journaliste algérien Ihsane El Kadi et une dizaine de détenus en lien avec le mouvement pro-démocratie du Hirak ont été libérés vendredi à la faveur d’une grâce présidentielle marquant le 70e anniversaire du début de la guerre d’indépendance (1954-1962).
« Quel bonheur, Ihsane El Kadi est libre! », a écrit sur Facebook l’un de ses défenseurs, Me Noureddine Ahmine, en publiant une photo du directeur d’un des derniers groupes de médias indépendants en Algérie, de retour à son domicile, entouré de membres de sa famille.
« Ihsane El Kadi est enfin parmi les siens. Libéré un 1er novembre. La fin d’un cauchemar », s’est aussi réjouie l’avocate Nabila Smail.
L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a exprimé son « immense soulagement » pour une mesure qui « met fin au calvaire de plus de 23 mois de ce grand journaliste et de sa famille ».
« Il faut désormais espérer que cette libération soit aussi le signal d’une levée des restrictions à la liberté de la presse » dans le pays, a souligné le représentant de RSF en Afrique du nord, Khaled Drareni, ancien collaborateur du groupe de M. El Kadi.
C’est avec un immense soulagement que nous prenons acte de la libération d’Ihsane El Kadi. Cette mesure met fin au calvaire de plus de 23 mois de ce grand journaliste et de sa famille. https://t.co/WrL6Hjxo8D
— Khaled Drareni (@khaleddrareni) November 1, 2024
Le journaliste, âgé de 65 ans, avait été condamné en appel en juin 2023 à sept ans de prison, dont cinq ans fermes, deux de plus qu’en première instance. Cette peine était devenue définitive après le rejet d’un pourvoi en Cassation en octobre 2023.
Ce dirigeant d’un des derniers groupes de presse privés d’Algérie, Interface Médias, qui comprend Radio M et Maghreb Emergent, était accusé de « financement étranger de son entreprise » dans le but « de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Ses avocats avaient défendu son innocence lors de son procès, soulignant que des fonds avaient été envoyés par sa fille Tin Hinane, établie à Londres et actionnaire de son groupe de médias, pour régler des arriérés de dettes de son groupe.
Radio M a été fermée et son site a cessé ses publications en juin, après la confirmation par la justice de la dissolution de la société éditrice du média. En revanche, le site à dominante économique Maghreb Emergent reste actif.
Le « poète du Hirak »
L‘arrestation de M. El Kadi et sa lourde condamnation avaient suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe. Une pétition lancée par RSF pour obtenir sa libération avait recueilli plus de 10.000 signatures.
M. Tebboune, réélu le 7 septembre pour un deuxième mandat de cinq ans, a signé deux décrets présidentiels octroyant des mesures de grâce à plus de 4.000 détenus.
Le premier décret concerne des personnes condamnées définitivement dans des affaires de « droit commun » et le deuxième des affaires de « trouble à l’ordre public ».
Au moins onze autres détenus incluant des militants connus du Hirak ont été également libérés.
Parmi eux figure Mohamed Tadjadit, 29 ans, surnommé le « poète du Hirak » pour ses vers déclamés lors des manifestations massives ayant ponctué ce mouvement, ou partagés sur Facebook.
Ihsane El Kadi est LIBRE. pic.twitter.com/r0n7DaDkG2
— Khaled Drareni (@khaleddrareni) November 1, 2024
Le Hirak avait éclaté en février 2019, forçant le président Abdelaziz Bouteflika, décédé depuis, à démissionner deux mois plus tard. M. Tebboune avait été élu au mois de décembre suivant.
Progressivement, une interdiction des rassemblements justifiée par l’épidémie de Covid-19 et l’incarcération des figures de proue du Hirak ont étouffé la contestation à partir de mars 2020.
En février dernier, l’ONG Amnesty International déplorait, au cinquième anniversaire du Hirak et avant la présidentielle, une « répression continue, sans relâche » des « droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique » et d’association, réclamant la libération de dizaines de détenus politiques emprisonnés.
Plus d’une centaine de militants du Hirak sont encore en détention dont des figures comme Brahim Laalami, un tailleur, sorti seul dans sa ville de Borj Bou Arreridj (centre) en février 2019 avec une grande pancarte fustigeant la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat.
Selon le classement de RSF pour 2024, l’Algérie a reculé de trois places en termes de liberté de la presse, se positionnant à la 139e place sur 180 pays audités.