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Affaire Casino Es Saadi: après 17 ans de procédure, la Cour de cassation met le dossier en délibéré
Publié leLa Cour de cassation a décidé, mercredi, de mettre le dossier du célèbre Casino Es Saadi de Marrakech en délibéré, en vue de rendre son arrêt le mercredi 18 décembre.
Après plus de 17 ans passés dans les couloirs des cours de justice, l’affaire du plus ancien casino du Maroc et d’Afrique, inauguré en 1952, semble enfin toucher à sa fin. En effet, même si l’on s’attendait à ce que la Cour statue sur cette affaire hier mercredi 27 novembre, elle a décidé de mettre en délibéré le dossier, qui a battu tous les records en termes de délai de traitement des affaires pénales au Maroc.
Me Mohammed Ghlousi, président de l’Association marocaine pour la protection des biens publics (AMPBP), a déclaré qu’«avec cette étape, la Cour de cassation met un terme à une affaire considérée comme la plus longue de l’histoire, ayant duré près de 17 ans». Ainsi, en rendant un arrêt d’irrecevabilité ou un arrêt de déchéance, la Cour de cassation mettrait fin à un feuilleton judiciaire qui dure depuis près de 18 ans.
Les faits
Cette affaire remonte à 2006, lorsqu’un enregistrement sonore a fuité sur une opération douteuse de cession d’un terrain municipal au prix de 30 millions de dirhams, impliquant l’ex-président de la municipalité de Menara, Abdellatif Abdouh.
Ce terrain de 12.000 m², redevenu propriété de la commune de Marrakech en 2005, faisait initialement l’objet d’un accord signé en 1930 entre le pacha de Marrakech, Thami El Glaoui, et une société française. Cet accord prévoyait que la société rétrocéderait à la ville de Marrakech la propriété, comprenant le foncier, les constructions et les équipements, après 75 ans d’exploitation.
La société avait loué ce terrain au prix symbolique d’un franc français par mètre carré en vertu d’un contrat de location. Bien que la jouissance de ce terrain devait prendre fin en 2005, le Conseil de la municipalité de Menara, dirigé alors par l’istiqlalien Abdellatif Abdouh, a décidé en 2001 de vendre ce terrain à la société hôtelière au prix de 600 dirhams/m², alors que la valeur estimée du terrain dépassait largement cette somme, atteignant 16.000 dirhams/m², voire plus.
La société locataire avait même procédé à la rénovation du casino, le plus ancien du Maroc et d’Afrique, en 2003, tout en conservant son emblématique façade.
Entrelacement du pouvoir et de l’argent
Pour Ghlousi, «cette affaire illustre l’entrelacement du pouvoir et de l’argent et révèle la manière dont la ville de Marrakech a été gérée par une élite dont le principal objectif était l’accumulation de richesse au détriment des intérêts de la ville. Cette élite ne rendait aucun service, même si celui-ci était légal, sans exiger des pots-de-vin.»
Et d’ajouter que ces élus «avaient utilisé tous les documents d’urbanisme et diverses licences pour accumuler de l’argent, transformant tous leurs proches en promoteurs immobiliers et hommes d’affaires, alors qu’avant cela, la plupart d’entre eux ne possédaient rien».
Dans cette optique, le président de l’AMPBP exprime son espoir de voir le pouvoir judiciaire jouer pleinement son rôle constitutionnel et légal dans la lutte contre la corruption et le détournement de fonds publics, et dans l’établissement d’une réelle reddition des comptes.
Jugements «cléments»
En première instance, le principal accusé, Abdellatif Abdouh, a été condamné à cinq ans de prison ferme, tandis que cinq de ses adjoints et quatre conseillers ont écopé de différentes peines de prison. Mais, aucun mandat de dépôt n’a visé les accusés. En appel, la justice de Marrakech a confirmé ces jugements le 26 décembre 2020 pour corruption, abus de pouvoir, abus de biens sociaux et dilapidation de deniers publics.
Le scandale a refait surface lorsque Ghlousi a déposé une plainte auprès du parquet contre les responsables de la commune. Dans un post Facebook, il avait indiqué que ce dossier était resté pendant sept ans entre les mains de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). C’est ce qui avait poussé l’AMPBP à adresser une autre plainte à l’ancien ministre de la Justice, Mustapha Ramid, l’informant du retard pris dans le traitement de ce dossier.
Ramid a alors répondu à Ghlousi, affirmant que «ce retard était dû aux relations étroites qu’entretenaient les accusés avec des personnalités de haut rang».
L’AMPBP a également déposé des plaintes auprès du président du ministère public et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) pour dénoncer la perte de temps judiciaire liée à de multiples reports injustifiés.