Vidéo. Portrait de Hicham Ghandi, un homme à la mer

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Crédit: H24info.

Hicham Ghandi, 43 ans, marié et trois enfants, est passé d’un poste de directeur commercial pour une société de promotion immobilière à une vie de pêcheur à Dakhla. Son déclic? La religion, mais surtout la prise de conscience qu’il ne pouvait plus vivre dans « le système ». Interview. 

Diplômé d’une grande école de commerce marocaine en management après une classe préparatoire HEC, Hicham Ghandi présente un parcours dit classique. Après avoir intégré le monde professionnel en exerçant des métiers dans la vente, l’animation d’équipes commerciales (entre autres), il officie plusieurs années en tant que chef de projet dans l’immobilier.

Le jour de ses 40 ans, il décide de quitter son emploi et réfléchit à adopter un mode de vie plus conforme à ses principes. « J’ai cherché un moyen de subvenir à mes besoins avec mes mains et la seule chose que je savais faire, c’était pêcher », explique celui qui a passé une grande partie de son enfance à El Jadida, où il a pu se familiariser à la pêche en autodidacte.

 

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Le forum de la mer, qui a lieu chaque année à « Mazagan », n’est donc pas un rendez-vous anodin pour ce néo-pêcheur, « il n’y a pas de hasard », déclare Hicham Ghandi alors qu’il anime une conférence sur le thème « la pêche durable: chimères ou vrai coup de filet? ».

A cette occasion, il raconte son parcours, son combat et comment par la pêche il a su sortir du système capitaliste qui l’empêchait de dormir tranquille. « J’ai fui le système car ce système n’est pas axé sur l’homme mais sur la matière », déplore-t-il. « L’enrichissement individuel engendre l’enrichissement collectif…voilà ce que nous apprend ce système et je ne suis pas d’accord ».

Larguer les amarres

Alors Hicham a emmené femme et enfants vivre une nouvelle vie plus naturelle du côté de Dakhla, dans une zone réputée riche en produits halieutiques, à quelques kilomètres de la frontière mauritanienne. Il a également appris à ses enfants à subvenir à leurs besoins au moyen de la pêche. En somme, une reconversion professionnelle réussie puisque l’ex-cadre assure vivre de la vente de son produit.

Dans nos sociétés modernes, les cadres et salariés sont de plus en plus nombreux à troquer bureaux et openspaces contre une activité plus en phase avec leurs valeurs. « Cela passe par le retour au manuel, ou à l’humain, comme dans le domaine des services à la personne, avec l’idée de se sentir utile, de se reconnecter avec son idéal de vie. », analyse pour nos confrères d’LCI Anne-Claire Penet qui accompagne des reconvertis professionnels dans le cadre du salon annuel « Nouvelle vie professionnelle », à Paris.

En France par exemple, 6 cadres sur 10 songent à démissionner selon une étude réalisée en 2018 par l’Ifop pour le site de recrutement Cadremploi. Au Maroc, 34% des diplômés ont recours à la reconversion professionnelle selon un sondage de Rekrute.com relayé la même année par Médias24. Une autre étude du site de recrutement dévoilait le mois dernier que 72 % des cadres marocains étaient insatisfaits de leurs conditions de travail en 2018, soit une hausse de 60% par rapport à 2017.

Une directrice marketing devenue fleuriste, une architecte ayant ouvert son salon de thé, ou encore un chef de projets immobiliers devenu pêcheur…comme Hicham, beaucoup prennent un virage à 360 degrés pour vivre de leur passion et surtout avec sens. Comme l’écrit le journal Le Temps en juin 2018, « tout plaquer » est devenu la « nouvelle mythologie contemporaine ».

Pour la vie de ma mer

« Je ne suis pas courageux, je suis raisonnable », précise Ghandi qui est venu au Forum de la Mer pour vanter les mérites de la pêche durable, soit l’ensemble des mesures permettant de puiser dans les ressources de la mer tout en lui permettant de perdurer. Cela passe par une considération de l’écosystème dans sa globalité, sans se focaliser uniquement sur ce qu’on est en train de pêcher, explique le marin.

« L’être humain consomme en huit mois la production annuelle des ressources de la terre et la mer confondues », poursuit Hicham Ghandi qui confie ne rien trouver parfois à pêcher dans des zones pourtant reconnues prolifères. « Ce qui signifie que d’ici 50 ans, on n’aura plus rien à manger », alarme-t-il, qualifiant l’humain de « plus grand prédateur du monde ». « On n’a pas respecté les espèces qui nous nourrissaient, ni leur milieu. L’homme, par son comportement égoïste et borné, a creusé la tombe de milliers d’espèces – si ce n’est de millions – avec des fléaux tels que la surexploitation, la pollution ou parfois même le plaisir de détruire ».

 

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Par conséquent, la pêche durable est obsolète si « dénuée de l’ingrédient indispensable de l’engagement universel ». « Ce n’est pas un problème propre à une nation ou un pays. Il faut oublier les appartenances et agir ensemble », insiste le pêcheur qui anime depuis presque un an une émission de télévision « Maâk al raïs » (« Avec le pêcheur ») sur Télé Maroc dans laquelle il part à la rencontre des pêcheurs du royaume.

Et même si Hicham Ghandi se dit pessimiste par nature, il affirme également que c’est sa façon à lui de « se mettre la pression et d’agir ». « Si on respecte l’humain, on est obligé de respecter la nature », conclue-t-il.

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