Paris: les enfants des rues Marocains refusent toute prise en charge

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Ils sont très jeunes, dorment dans un square, vivent de larcins : à Paris, les enfants des rues du quartier la Goutte-d’Or, des petits Marocains abîmés et agressifs, inquiètent les autorités, qui cherchent comment prendre en charge ces mineurs refusant toute main tendue.

« Le plus gros problème, c’est manger et puis, après, dormir », raconte à toute vitesse Dajaj, un jeune aux yeux caves, en survêtement-casquette, qui ne paraît pas plus de 15 ans.

Autour de lui, une quinzaine de jeunes discutent, dans une odeur puissante de colle. « Ils sont tous drogués », soupire un intervenant social en maraude, qui espère établir le contact avec ces enfants et adolescents en rupture.

Les premiers, arrivés il y a un an, étaient au départ une vingtaine, très jeunes. Certains n’avaient pas dix ans. Ils se sont installés sur un square de ce quartier très populaire. Après une parenthèse au printemps, le phénomène a repris à l’été, très sensible selon les riverains.

« Il y a des vols dans la rue, on perd de la clientèle », assure le gérant d’une épicerie. « Mais la priorité, ajoute-t-il, c’est de trouver une solution » pour ces jeunes qu’il a vus, certains matins, finir leur nuit dans la laverie d’en face, roulés en boule dans les tambours de sèche-linge.

« C’est d’abord un problème d’enfance en danger mais aussi, un problème de sécurité publique », résume pour l’AFP le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, qui chiffre à « 80 environ » le nombre de ces mineurs dans le nord de la capitale.

La police a procédé à 395 interpellations depuis septembre, essentiellement pour des vols, certains avec violence. « On n’est pas dans le simple chapardage », ajoute M. Delpuech. En l’absence de tout adulte, « ils ne sont pas dans des logiques de mendicité pour apporter à quelqu’un ».

Ces jeunes, plus âgés que la première vague, sont dans « une délinquance de survie », explique Guillaume Lardanchet, de l’association Hors la Rue.

Mais ils sont aussi « très abîmés par un parcours d’errance et de consommation multiples ». Certains sont « dans un état de santé déplorable », explique Lardanchet. Blessures non soignées, problèmes dentaires… l’aide serait urgente.

Or tous le disent : « ils refusent toute prise en charge », alors que les mineurs isolés étrangers sont généralement très demandeurs.

Ils ne se laissent pas approcher, donnent des identités fantaisistes, se braquent lorsqu’on les envoie dans des foyers, commettant alors « fugues ou actes de violence », souligne Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris.

La situation devient compliquée à l’approche de l’hiver, alors que la durée de l’errance augmente et que des dealers sont installés près du square. « Les mineurs sont un peu devenus leur main d’oeuvre », constate un intervenant de terrain, pour lequel la tension « a augmenté depuis un mois ».

Le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a lui-même évoqué ces « jeunes particulièrement violents » sur lesquels les autorités « réfléchissent », mairie, police, justice…

Leurs parcours et motivations restent mystérieux. « Ils ont tous transité par l’Espagne, où ils sont passés par des foyers d’accueil, avant d’arriver en France », assure la présidente de l’Amesip (Association marocaine d’entraide aux mineurs en situation précaire), Touraya Bouabid.

Selon elle, ces jeunes « âgés de 14 à 25 ans » sont originaires du nord du Maroc (Fes, Tetouan, Tanger). « Presque tous sont issus de la classe moyenne et ont un membre de leur famille au Maroc », assure-t-elle dans un rapport.

Aussi l’Amesip essaie-t-elle de rétablir le lien avec les familles. Certains doutent toutefois que ces jeunes en rupture acceptent de rentrer vers une famille qu’ils ont quittée il y a des mois, voire des années.

Il faut donc trouver des solutions en France. « L’idée est d’avoir un accueil de jour spécialisé, ouvert sept jours sur sept », détaille à l’AFP Mme Versini, selon laquelle « il faut presque un éducateur » pour chacun de ces adolescents « déstructurés depuis la petite enfance ».

« Si on n’arrive pas à créer le lien, on va les perdre dans un circuit de délinquance », avertit-elle.

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