Achoura: pétards et blessures de guerre

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Chaque année, à l’occasion de la fête d’Achoura, les quartiers des villes du royaume se transforment en champs de bataille. Les enfants et les adolescents s’amusent à jouer avec des pétards, tout en ignorant les dangers de ces engins explosifs. D’où viennent ces produits pyrotechniques et comment sont-ils introduits au Maroc? Est-ce qu’ils peuvent tuer et que dit la loi? Les détails. 

C’est une véritable guerre qui commence dans les rues du royaume à l’approche d’Achoura. La fête aura lieu dans la soirée du lundi 9 septembre, mais les célébrations ont déjà commencé chez certains. Les enfants et les adolescents, en particulier ceux qui habitent dans les quartiers populaires, s’amusent d’ores et déjà à jouer avec des pétards et des engins explosifs.

À Casablanca, tout comme les autres villes marocaines, cela est devenu un véritable cauchemar qui sème la terreur dans les rues. Ces engins inondent les marchés de la capitale économique. Leur commercialisation, fabrication et importation, est interdite. Toutefois, ils sont vendus clandestinement à Derb Omar, Benjdia, Derb Sultan ou encore Sidi El Bernoussi. Mais d’où viennent ces engins?

 

L’Asie, le grossiste des grossistes

 

Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus dans le souk de Tarik, très connu à El Bernoussi, où nous avons rencontré un vendeur clandestin qui a préféré garder l’anonymat. « Ces produits sont très rentables, ils se vendent comme du pain. Mais la police effectue souvent des descentes ici pour nous arrêter. On risque gros », a-t-il dit. Avant d’ajouter: « Je n’arrive pas à comprendre, nous sommes de simples vendeurs. Nous ne fabriquons pas ces objets. On les achète chez des grossistes à Derb Omar qui, à leur tour, récupèrent la marchandise dans le port ».

Ces produits rentrent par le biais des contrebandiers étrangers, qui réussissent à déjouer la vigilance des agents des services des Douanes. Mais comment font-ils? Quels sont les pays qui fabriquent et exportent ce genre d’engins? Pour creuser davantage, nous sommes allés au port de la ville. Aucun agent des douanes n’a voulu répondre à nos questions. Cependant, nous avons réussi à concocter quelques informations par le biais d’un gardien sur place.

 

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« Ces pétards sont souvent dissimulés dans les cargaisons des conteneurs. J’ai assisté à des importantes saisies faites ici par les douaniers. Souvent, ces conteneurs proviennent des pays de l’Asie, tels que la Chine, le Japon, le Vietnam, ou encore la Corée du Sud », a-t-il déclaré.

Ces engins sont ensuite vendus à des grossistes et mis en vente dans les marchés de la ville. Les vendeurs clandestins s’amusent à leur donner des noms comme « Ben Laden », « Daech » ou encore « Messi » et « Ronaldo ». Il y a plusieurs catégories de pétards. Ceux avec une explosion sonore faible, moyenne, et très élevée. Sans oublier ceux qui explosent dans l’air, les plus prisés du marché. Ces produits sont vendus de 5 à 200 DH selon leur catégorie.

 

Le jeu de la mort

 

Si ces produits pyrotechniques sont attrayants, ils représentent cependant un grand danger public. C’est une menace pour la santé des enfants, des femmes enceintes, et de tous les citoyens.

Leurs explosions risquent de causer des dommages à la vue et à l’audition. Leurs lésions sont terribles. Ils peuvent également déclencher des incendies. Les victimes de ces engins sont de plus en plus nombreuses. Certains ont perdu des doigts, des mains. D’autres ont perdu la vue ou devenus sourds.

Une femme âgée, rencontrée dans le souk Tarik à Sidi El Bernoussi, nous a raconté ce qui s’est passé à son fils. « Il était en train de jouer avec les autres enfants du quartier. Soudain, j’ai entendu des énormes cris. Je me suis rendu compte que c’était lui. Je suis descendu comme une folle pour savoir ce qui se passe. Il a été blessé à son oeil à cause de ces engins. Je l’ai emmené à l’hôpital, heureusement il a été sauvé. Mais sa vision a été un petit peu endommagée. Heureusement qu’il est toujours en vie. Ce genre d’explosifs est très dangereux mon garçon, faut pas les acheter ».

 

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Si le fils de cette femme a été sauvé, certains ont péri. Oui, il y a bien évidemment le risque de la mort. L’année dernière, un jeune enfant avait perdu la vie à Derb Ghellaf après avoir reçu un gros fumigène à son cou. Il n’est certainement pas le seul à connaitre un tel sort.

 

Que dit la loi? 

 

Chaque année, de nombreuses associations de défense des consommateurs tirent la sonnette d’alarme sur ce fléau.

L’année dernière, les députés de la première chambre ont adopté à l’unanimité un texte de loi portant sur la fabrication, le stockage, la commercialisation et la distribution de ces fumigènes et produits explosifs. Il stipule: « Toute personne possédant des produits explosifs sans justification légale, les introduit dans le territoire national ou en fabrique est passibles d’une peine de deux à cinq ans de prison et d’une amende de 50.000 et 500.000 dirhams, ou de l’une des deux peines ».

De leur côté, les forces de l’ordre ne restent pas les bras croisés. Ils effectuent régulièrement des décentes dans les marchés concernés et procèdent souvent à l’arrestation des vendeurs.

 

En ce début de mois, les éléments de la police judiciaire ont arrêté 9 personnes, dont un mineur pour leur implication présumée dans la commercialisation de ces engins. Jeudi dernier, les autorités sont parvenues à interpeller un individu, aux lourds antécédents judiciaires, en possession de 9405 unités d’engins explosifs.

 

La fête d’Achoura représente pour certaines personnes une occasion de fête et de joie. Toutefois, elle peut être pour d’autres un cauchemar qui pourrait même virer en drame. Les autorités font de grands efforts, mais ils ne peuvent pas gérer l’ingérable. Une chose est certaine, la soirée du lundi à Mardi, de l’Achoura, s’annonce chaude bouillante comme à l’accoutumée.

 

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