A la suite de la polémique sur son hijab de course, Decathlon se défend

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Le célèbre équipementier français pourrait suivre l’exemple de son concurrent Nike, en proposant à la vente un hijab destiné aux femmes musulmanes. L’initiative fait toutefois polémique, certains accusant Decathlon d’être «complice» de «l’enfermement» des femmes. La marque se défend.

Le groupe Decathlon va-t-il emboîter le pas à d’autres enseignes, dont H&M, Uniqlo et son grand concurrent, l’équipementier sportif Nike, en s’engouffrant dans la «mode islamique»? Confrontée à une baisse de son chiffre d’affaires en France, la marque a mis en ligne sur son site français un hijab destiné aux femmes qui souhaitent pratiquer la course à pied tout en gardant leurs cheveux et leur nuque cachés. Ce vêtement en polyester permettra à celles qui décideront de le porter de gagner «en confort lors de leur séance», indique le site de Decathlon, qui précise qu’il est disponible en trois tailles et ne bouge pas durant la course. Il a été «testé plusieurs fois par vingt femmes qui portent habituellement le hijab», et ces dernières l’ont «validé pour son confort et sa respirabilité».

Decathlon n’est pas le premier équipementier à se lancer dans le marché juteux des vêtements destinés aux femmes musulmanes. De grandes marques ont déjà mis en vente des vêtements destinés à une frange de la population, religieuse ou non, adepte du hijab. Il faut dire que les perspectives économiques du marché de la mode musulmane – ou «mode modeste», selon l’appellation des experts – sont alléchantes: selon la dernière édition du Global Islamic Economy report, publié par Thomson Reuters, «les dépenses des musulmans consacrées aux vêtements ont atteint 270 milliards de dollars en 2017», et devraient continuer d’augmenter dans les années à venir, atteignant «361 milliards de dollars en 2023». De quoi susciter nombre de convoitises et pousser les marques à s’engouffrer dans ce marché croissant.

«Prolonger l’apartheid sexuel imposé aux femmes dans l’espace public»

Pourtant, les entreprises se lançant dans ce secteur juteux en proposant des produits adaptés à certaines pratiques religieuses déclenchent régulièrement des polémiques, tant la question de la laïcité reste délicate en France. Ce fut notamment le cas lorsque le fast-food Quick a décidé de mettre en place un burger halal, ou lorsque Gap a dévoilé une publicité mettant en scène une fillette voilée. Cette fois encore, la révélation de ce nouveau produit a entraîné de fortes réactions. La porte-parole des Républicains Lydia Guirous a ainsi dénoncé sur Twitter la soumission de Decathlon à «l’islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte»: l’auteur de Allah est grand, la République aussi y voit un symbole du reniement «des valeurs de notre civilisation sur l’autel du marché et du marketing communautaire». Députée et présidente du groupe Socialistes et apparentés, Valérie Rabault a également exprimé son étonnement sur le réseau social.

De même, plusieurs collectifs ont fait part de leur rejet de ce produit. La Ligue du droit international des femmes et le Comité laïcité république ont publié un communiqué commun dénonçant la promotion de «l’apartheid sexuel» par Decathlon: «le monde du sport se rend complice» de «l’enfermement» des femmes en Iran, en Algérie et en Arabie Saoudite en «faisant la promotion d’un modèle islamiste féminin» destiné à «prolonger l’apartheid sexuel imposé aux femmes dans l’espace public», critique le texte. Revenant sur plusieurs épisodes où les institutions internationales du sport comme la FIFA et le CIO ont accepté les vêtements islamiques, le texte s’alarme des choix des marques, qui préfèrent capter un public cible plutôt que de prendre en compte des considérations morales: «Tant pis pour les millions de femmes qui se battent partout dans le monde pour la liberté de leur corps et de leur esprit», conclut-il. Des propos partagés sur Twitter par la féministe et ancienne ministre des Familles, de l’enfance et des droits des femmes Laurence Rossignol.

Décathlon répond à la polémique

Le hijab de Kalenji est toutefois «malheureusement épuisé» et n’est donc pas encore disponible à la vente peut-on lire sur le site français de Decathlon. On le retrouve toutefois à l’identique sur son équivalent marocain. Contacté, le responsable de la communication externe de Decathlon United, Xavier Rivoire, explique que le hijab de la marque propre de Decathlon, Kalenji, ne devrait pas être proposé à la vente en France pour le moment. Ce produit a été créé pour le marché marocain avant tout, et sa mise en ligne sur le site français est une erreur, indique-t-il. D’ailleurs, le produit n’est plus accessible via la page d’accueil du site Decathlon. En revanche, l’adresse url est encore active.

Le responsable de la communication de Decathlon United ajoute que ce produit a été créé en réponse à une demande exprimée par les coureuses marocaines. «À chaque fois que nous serons sollicités par des sportifs locaux, à Jakarta, à Montréal ou à Tunis, nous aurons la même réponse, en proposant une offre internationale et des produits locaux complémentaires» adaptés aux réalités locales, ajoute-t-il. La marque observe les réactions suscitées par son produit avec «calme, recul et sérénité» et le groupe assume sa volonté de rendre «la pratique du sport accessible à toutes les femmes». Il se place dans une posture de «tolérance absolue et une inclusion totale».

Responsable de la marque Kalenji, Angélique Thibault ajoute que sa mission est avant tout de «rendre le plaisir et les bienfaits» de la course à pied accessibles au plus grand nombre, «à commencer par les pratiquantes». Ce couvre-tête permettra que «chaque femme soit libre de courir dans chaque ville et chaque pays, indépendamment de son niveau sportif, de son état de forme, de sa morphologie, de son budget» et de «sa religion» ou de sa culture. La responsable ajoute que le produit a été réalisé en coopération avec les équipes de Decathlon Maroc «qui souhaitaient offrir cette liberté aux sportives de leur pays».D

 

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