A Imilchil, les tatouages des femmes berbères tombent en désuétude

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Au Maroc, les tatouages des femmes berbères tombent en désuétude
"Une femme amazighe montre son menton tatoué en posant pour une photo dans le village d’Imilchil, dans les montagnes du Haut Atlas, au centre du Maroc, le 21 septembre 2024. © AFP

Dans l’Atlas marocain, les tatouages qui ornent les visages et les mains des femmes berbères, autrefois considérés comme des signes de beauté et d’appartenance à une tribu, sont une tradition qui se perd sous l’influence de la modernité et des interprétations religieuses.

« Quand j’avais six ans, on nous expliquait que les tatouages étaient de jolies décorations. Nous utilisions du charbon pour les dessiner sur nos visages, ensuite nous allions voir une femme spécialisée qui utilisait une aiguille pour piquer le dessin jusqu’à ce que le sang sorte », se remémore Hannou Mouloud, 67 ans, dans le village de montagne d’Imilchil, à environ 400 km à l’est de Rabat.

« Puis nous nettoyions la plaie quotidiennement avec une herbe verte mâchée jusqu’à ce que le tatouage soit formé », poursuit-elle en montrant à l’AFP la discrète ligne verte sur son menton.

« Nous, petites filles, ne pouvions retenir nos larmes. Chaque mère serrait sa fille dans ses bras, essayant de la consoler jusqu’à ce que le tatouage soit terminé. C’est une tradition que nos parents nous ont transmise », témoigne aussi Ait Mjane Hannou, 71 ans, qui porte le même tatouage sur le menton, comme beaucoup d’autres femmes du bourg.

Chaque groupe berbère a ses propres motifs, « exprimant ainsi l’appartenance à une communauté spécifique et une identité propre », relève Bassou Oujabbour, membre de l’organisation Akhiam, qui oeuvre au développement de la zone d’Imilchil.

« Dans la tribu Aït Hadidou de la région d’Imilchil, les femmes se distinguent par des tatouages constitués de deux ou trois lignes au niveau du menton. Ces lignes sont souvent ornées de motifs comme des croix et des points. D’autres tribus décorent leur visage avec une variété de motifs », dit-il à l’AFP lors du « moussem des fiançailles », fête de septembre où l’on célèbre en danses et musiques le mariage collectif de jeunes couples berbères.

Le Maroc est le pays du Maghreb qui compte le plus de Berbères, dont la présence est antérieure à l’arabisation et à l’islamisation.

Ces autochtones se nomment eux-mêmes « imazighen », pluriel d' »amazigh » qui signifie « homme libre » dans leur langue, le tamazight.

D’après le dernier recensement (2014), plus d’un quart (26,7%) des 35 millions de Marocains utilisent l’un des trois principaux dialectes berbères du pays (le tarifit, le tamazight et le tachelhit).

« Les femmes amazigh d’Afrique du Nord se distinguent par un type de tatouage qui exprime une multitude de significations », explique à l’AFP Abdelouahed Finigue, enseignant-chercheur en géographie, natif d’Imilchil.

« Tout d’abord, il y a la notion de beauté: la femme, à travers ses tatouages, exprime sa beauté et sa valeur en tant qu’individu indépendant de l’homme ».

Les motifs tatoués s’inscrivent aussi dans une certaine spiritualité, relève-t-il.

« Le cercle, par exemple, représente l’univers et la beauté, tout comme la lune et le soleil qui occupaient une place importante dans les rites locaux », explique-t-il. « Ces tatouages étaient appliqués sur des zones du corps très importantes et sensibles, notamment le menton, le front et les mains. Certaines femmes se faisaient tatouer des zones intimes, comme un cadeau pour leur mariage, exprimant ainsi leur amour pour leur mari et leur attachement à leur foyer ».

« Cependant, ces dernières années, cette coutume a été entachée par des idées reçues véhiculées par des courants salafistes, affirmant que les femmes tatouées iraient en enfer », déplore-t-il.

Le tatouage est largement considéré par les musulmans comme une mutilation du corps proscrite par la religion.

Des fondamentalistes « décrivent parfois le tatouage comme le livre du diable ou comme la première chose à brûler sur le corps humain », précise Bassou Oujabbour.

« C’est pourquoi de nombreuses jeunes filles ont renoncé au tatouage pour des raisons religieuses, mais aussi pour des raisons liées à la modernité, car la femme moderne (dans les zones rurales au Maroc) ne se tatoue généralement pas. Par conséquent, même les femmes déjà tatouées enlèvent souvent leurs tatouages par crainte d’être punies dans l’au-delà ».

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