A Casablanca, des migrants SDF déterminés à gagner l’Europe

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Des migrants subsahariens squattent près de la gare routière d'Ouled Ziane à Casablanca, le 19 janvier 2023. Crédits photo: Fadel Senna/AFP

« Survivre chaque jour est un combat ». Oumar* squatte un bout de trottoir près de la gare routière de Casablanca, point de chute précaire de centaines de migrants irréguliers subsahariens qui sont déterminés à gagner l’Europe.

« C’est épuisant de ne pas manger à sa faim, de ne pas dormir sous un toit, de ne pas se sentir en sécurité, de subir le racisme », confie à l’AFP ce Guinéen de 25 ans, installé illégalement au Maroc depuis cinq ans.

« On est chassés très tôt le matin par la police. On erre avant de retrouver nos places à la fin de la journée », raconte celui qui a tenté plusieurs fois la traversée vers l’Espagne sans succès.

Juste en face de la gare d’Oulad Ziane, en périphérie de la mégapole de 4,2 millions d’habitants, Oumar et une cinquantaine de jeunes migrants, originaires pour la plupart de Guinée, tuent le temps.

Entrés pour la plupart clandestinement au Maroc depuis l’Algérie, certains bavardent, d’autres, éreintés de fatigue, s’étalent à même le trottoir, où une modeste cuisine a été aménagée.

Quelques couvertures et des vêtements sont accrochés au mur qui fait face à la gare.

« Ils font dorénavant partie du paysage mais ils n’embêtent personne », témoigne un vendeur de bonbons marocain qui veut rester anonyme.

« C’est notre triste réalité mais personne ne veut la regarder en face », peste Bakary, un Guinéen de 18 ans établi à Oulad Ziane depuis trois ans.

Devenu un refuge pour les migrants en raison de sa proximité avec la gare, ce quartier populaire est le théâtre de tensions récurrentes avec les autorités.

Dernier épisode en date: l’interpellation à la mi-janvier de six migrants à la suite de violents heurts lors de l’évacuation de clandestins campant sur le chantier d’extension du tramway local.

Aujourd’hui, ils sont de retour. Chaque groupe de migrants — organisé par nationalité — occupe un tronçon du chantier.

« Là où on s’installe, on nous chasse. On aimerait bien ne pas dormir sur les rails du tram mais on ne nous propose pas d’alternative », déplore Boubacar, un Malien de 27 ans.

Les migrants maliens, qui dorment sous des bâches, s’entraident pour survivre, même si aucun d’eux ne travaille.

Lire aussi : Oujda: démantèlement d’un réseau de trafic de migrants, 3 suspects arrêtés

Les sanitaires de la gare routière sont les seuls espaces d’hygiène accessibles.

« Parfois on nous y autorise, parfois non », affirme Boubacar en fustigeant « le racisme des habitants du quartier » et l’absence d’accompagnement administratif ou associatif.

De fait, les voisins répugnent à parler aux journalistes.

« Immigration clandestine: Stop ! », affiche cette semaine la publication Maroc Hebdo qui dénonce en Une « un problème social, sécuritaire et politique que l’Etat a du mal à gérer ».

« Ces migrants vivent dans des conditions difficiles, c’est le rôle des autorités de les prendre en charge », estime Noureddine Riadi de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

« Les plus vulnérables doivent être intégrés dans des centres d’accueil temporaires », plaide l’activiste de la principale ONG marocaine de défense des droits humains.

Lamine, qui a tenté à cinq reprises de forcer le passage dans l’enclave espagnole de Melilla depuis la ville frontalière marocaine de Nador, au nord du pays, se dit à bout.

« On s’efforce de continuer à y croire même si mon optimisme diminue de jour en jour », avoue ce jeune homme de 20 ans arrivé il y a neuf mois au Maroc.

Lire aussi : Casablanca: heurts lors de l’évacuation de migrants à Ouled Ziane

« C’est si injuste que les frontières soient fermées. Au final, nous sommes considérés comme des marchandises », s’indigne Boubacar.

Malgré les difficultés, la plupart des clandestins rencontrés à Oulad Ziane ne renoncent pas à rejoindre l’Europe.

« Pour moi ça sera l’Europe ou la mort », tranche Bakary, le jeune Guinéen, pour qui un retour chez lui serait « un aveu d’échec ».

Mais après plusieurs phases de régularisation entre 2014 et 2021, les autorités marocaines, sous pression des Européens, appliquent un contrôle sévère des frontières et une politique dissuasive contre l’immigration irrégulière à l’intérieur du territoire.

En 2022, la police du royaume a interpellé plus de 32.000 migrants et arrêté 566 individus soupçonnés d’être impliqués dans des réseaux de traite humaine, selon des chiffres officiels.

La lutte contre l’immigration clandestine est un dossier clé du partenariat entre le Maroc et l’Union européenne. Bruxelles a prévu une aide de 500 millions d’euros pour aider Rabat à la combattre.

* Tous les prénoms ont été modifiés.

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