Qui porte une Panthère au poignet met le monde à ses pieds

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Trente-quatre ans après son lancement à Paris, Cartier fait renaître, dans la Cité des Anges, sa montre féline. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.

C’est toujours risqué de vouloir faire du neuf avec du vieux, surtout quand on s’attaque à une icône de l’horlogerie des années 1980, affirme un fin observateur du secteur. Le danger étant de tomber dans une nostalgie trop littérale du produit et de sortir une énième montre vintage qui ne serait que la pâle copie de l’originale, déconnectée des attentes des générations contemporaines.» Il semblerait que Cartier ait évité l’écueil.

Non contente d’avoir été la coqueluche du dernier Salon international de la haute horlogerie de Genève en janvier, cette Panthère 2017 a eu tôt fait de séduire Hollywood et Los Angeles, où la marque phare du groupe Richemont l’a présentée ces jours derniers. Outre le fait que Cartier réalise 20 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis, le choix de cet État américain n’était pas innocent. «En termes d’influence, de tendance, d’industrie du cinéma, de high-tech, la Californie donne le la au reste de la planète, analyse Cyrille Vigneron, PDG de l’entreprise. Ici,“Everything is day one”, comme dirait le dirigeant d’Amazon. C’est dans ce “nouveau nouveau monde” que nous avons voulu que la Panthère renaisse. Los Angeles comme décor la rend encore plus désirable auprès des jeunes générations de femmes.»

Pour ce réveil en grande pompe, le joaillier s’est offert les services de la réalisatrice Sofia Coppola. «Quand Cartier m’a demandé de faire un film pour relancer cette montre, je me suis interrogée: qui incarne aujourd’hui la femme Panthère? Dans quel milieu évolue-t-elle? Il fallait que je donne une interprétation actuelle de toutes ces égéries glamour, sophistiquées, sexy et drôles qui ont porté cette montre dans les années 1980. L’actrice australienne Courtney Eaton, que j’avais rencontrée pour un casting, possède ce chien et ce naturel que je recherchais.» Il en ressort une mini-superproduction, cinématographique dans les plans, nerveuse dans la narration. Le pitch pourrait être résumé ainsi: une jeune femme intrépide jouit sans encombre de tous les plaisirs d’une vie dorée, qui passent à sa portée, sous les palmiers de L.A. Selon nos estimations, la marque aurait déboursé entre 3 et 5 millions d’euros pour cette précieuse pellicule.

La griffe de la rue de la Paix

Mais pourquoi Cartier a-t-il décidé de miser sur ce modèle créé en 1983 et dont la fabrication a été arrêtée en 2004? Sans doute parce qu’après la Santos, première montre-bracelet inventée par l’entreprise en 1904, la Panthère, qui, du reste, lui emprunte ses signes distinctifs (un boîtier carré et une lunette avec des vis rivetées), a été son deuxième plus gros succès horloger. En vingt ans, la griffe de la rue de la Paix en a vendu plus de 600.000 exemplaires, faisant de son félin fétiche l’une des montres-bijoux les plus portées au monde. Autre élément plaidant en faveur de la renaissance de ce garde-temps, outre le revival actuel des Golden Eighties, sa parfaite adéquation avec la stratégie définie par Cyrille Vigneron lors de son arrivée à la tête de la société, il y a un an et demi. «Notre premier métier est de créer des bijoux pour les femmes, il était donc indispensable de recentrer notre offre horlogère sur une clientèle féminine et sur ce que nous savons faire de mieux, à savoir les montres de forme, poursuit le PDG. Dans un marché qui pêche par une offre surabondante, trop de nouveautés tuent la nouveauté. Nous avons préféré puiser dans notre patrimoine et remettre en lumière la Panthère. Nous n’avons surtout pas voulu la “revisiter” au sens marketing du terme. À chaque fois que l’on touche à une icône, on l’affaiblit.» Dont acte.

L’ex-best-seller des années 1980-1990, plébiscitée par Madonna, Brooke Shields, Pierce Brosnan ou encore Keith Richards, n’a pas été défigurée. Maintien des proportions entre le boîtier et le bracelet, limitation à deux tailles (petit et moyen modèle), absence de calibres mécaniques au profit de mouvements à quartz, le lifting est d’autant plus réussi qu’il relève de l’indécelable. Les seules interventions avouées étant un blanchiment du cadran, un resserrage des maillons, pour donner davantage de tonicité au bracelet, et la suppression de la date, car un bijou qui donne l’heure s’avère une fonction amplement suffisante. En or jaune, en or rose, en acier ou bicolore, avec ou sans brillants, les quatorze références présentées forment un ensemble fort, cohérent.

Dans ce numéro d’équilibriste, Cartier accouche d’une montre Panthère aussi intemporelle que fraîche, prêtant le flanc aux fantasmes d’une féminité absolue, universelle. Histoire d’achever de convaincre ses cibles potentielles, le positionnement des prix se révèle fort concurrentiel: 3850 euros, la petite version en acier. Sortie officielle prévue le 1er juin. Souhaitons-lui le même succès qu’à la Ballon Bleu dont 1.100.000 pièces ont été achetées depuis son lancement en 2008.


L’avènement de la féline

En 1914, le thème de la panthère fait son apparition dans le bestiaire de Cartier. Pour la première fois, le joaillier utilise son pelage tacheté sur une montre-bracelet (notre photo) dont le mouvement est, à l’époque, fabriqué par Jaeger. Jeanne Toussaint, la muse et collaboratrice de Louis Cartier, en fit son animal préféré. Le fauve séduisit les plus grandes croqueuses de bijoux qui, telle la duchesse de Windsor, commanda en 1948 une broche en trois dimensions sur laquelle la bête trône sur une émeraude de 116 carats.

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