Vidéo. Meryem Alaoui nous parle de son premier roman "La vérité sort de la bouche du cheval"

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Paru le 23 août chez Gallimard, le premier roman de Meryem Alaoui est déjà en lice pour plusieurs prix. Et c’est à Casablanca, ville où l’auteure a grandi, qu’elle a choisi d’organiser la première rencontre autour de son roman. Reportage.

Mercredi 6 septembre. On est à la librairie Livre moi. Plusieurs amateurs de littérature et professionnels du livre sont présents. L’ambiance est conviviale et l’auteure, Meryem Alaoui, souriante et joviale, nous lance dans la foulée de ne pas se laisser duper par le nombre des présents parce que «la moitié de la salle font partie de sa famille».
Meryem Alaoui a en effet un côté drôle et jovial qu’elle a glissé dans les pages de son roman. Parce que si l’auteur a choisi de traiter un problème social, elle a préféré en parler avec humour. Pour elle, Jmiaa, le personnage principal de son roman, n’est pas une victime mais une femme forte, débrouillarde, qui malgré sa situation a la tête haute et ne s’apitoie jamais sur son sort.
Le roman raconte en effet l’histoire de Jmiaa, une femme de 34 ans qui vit à Casablanca et travaille à Casablanca qui vit seule avec sa fille. Sa rencontre avec «Bouche de cheval», qui veut réaliser un film sur la vie du quartier de Casa où vit Jmiaa, va changer sa vie. L’histoire est «purement de la fiction» mais plusieurs anecdotes y figurant ont été inspirées de rencontres qu’avaient faites Meryem Alaoui lorsqu’elle vivait à Casablanca.
«Quand j’habitais à Casablanca, il y avait des prostituées qui travaillaient et vivaient à côté du marché de la rue d’Agadir… Je marchais beaucoup et comme j’étais fascinée par ces femmes, je m’arrêtais à chaque fois pour écouter leurs histoires. Il y avait aussi un gardien de voiture qu’on retrouve dans le livre et qui me racontait ce qui se passait quand je n’étais pas là», se rappelle-t-elle.
L’auteure précise également qu’elle a commencé à écrire le roman il y a cinq ans. Il contient un glossaire réalisé par son mari et fondateur des hebdomadaires Telquel et Nichane, Ahmed Benchemsi. En plus du projet de l’adaptation de son livre au cinéma, Meryem Alami confie également vouloir traduire ce roman en Darija avec l’aide de son conjoint.
Les bonnes feuilles du roman
«La vérité sort de la bouche du cheval» séduit par son côté cru et ses énoncés courts, proches du langage parlé. Voici quelques extraits croustillants:
Un client contrôlé par un policier
« Le flic regarde les papiers du véhicule, le permis rose bien ouvert entre ses doigts. Il sort son bloc-notes et rédige une contravention. Said le rejoint. Ils discutent. Le flic tourne la tête vers les autres voitures qu’il a arrêtés plus loin et qui l’attendent (…) Said attend(…) Finalement, le flic revient, en marchant lentement. Il ne dit rien et fait toujours la gueule. Said lui dit quelque chose en riant. Le flic fait la vierge, une esquisse de sourire aux lèvres. Said déploie son charme. Il parle, en faisant danser ses mains dans les airs. La vierge le regarde, l’encourage mais ne cède pas. Said prend de l’assurance. Il parle plus fort, son rire se fait franc. La vierge se détend. Said y est presque. Il accélère encore. Doucereux mais volontaire. Elle aime ça. Çà y est. Elle consent. Ils s’effleurent d’abord, leurs mains se touchent puis ils consomment l’Acte. En coulisses, aucun youyou ne résonne. Tout le monde savait la vierge recousue »
Jmiaa décrit ses clients
« Le problème avec ce travail, c’est que tu ne sais jamais sur qui tu vas tomber… Celui qui veut que tu l’engloutisses, et qui s’accroche à ta nuque comme s’il ne restait qu’elle sur terre. De l’océan déchaîné où il se débat, il t’étouffe dans sa chair flasque et veut que tu boives la tasse pour lui. Dans son naufrage, tu es un radeau. Ni chair ni sang ni foie. Ramené à terre, il te laisse sur la berge saumâtre écumante et sale. Et la marée te reprend. Un autre. Celui là est furieux. Il a besoin de vider sa vigueur d’un jet long et dur dans toutes celles qu’il rencontre. Ta croupe est son dû. Dansa sa cavalcade de flic zêlé, il rue, frappe et déchire ton épaule. Dans ces champs où il voit une foule qui l’acclame, ses mains te fouettent comme l’air que sa course soulève. Quand il a fini, son œil torve défie cette terre dont il est le maître. Mais lorsqu’il croise sa gloire poisseuse dans les tiens, l’illusion se transforme en haine. Alors il cogne parce qu’il n’est que lui. Torturé, ivre et seul. Un autre encore »
 
 

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