Enseignants «contractuels»: comment en est-on arrivé là ?

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Ils se sont surnommés les enseignants « contractuels », tandis que le gouvernement les appelle les cadres d’académies régionales du ministère de l’Éducation. En 2018, leur nombre est de 55.000,  engagés à durée déterminée pour enseigner dans écoles marocaines et leur chiffre devra continuer à grimper lors des années à venir. Ils seront 75 milles lors de l’année scolaire 2019-2020.

Tout commence en 2016. L’État décide de changer de stratégie de recrutement dans le secteur de l’éducation nationale. Les personnes embauchées ne passent plus par le ministère de l’Éducation nationale, mais par des concours organisés par les académies régionales du ministère.

De ce fait, ils ne sont plus considérés comme fonctionnaire de l’État comme auparavant,  mais de simples employés d’un établissement public ce qui constitue un changement phare pour les jeunes enseignants, qui considèrent qu’ils n’auront pas les mêmes droits et acquis sociaux que les enseignants recrutés avant 2016, principalement la CMR (caisse marocaine des retraites).

Aux origines d’un malaise annoncé

En 2003, le nombre global des élèves aux écoles publiques (primaire, collège, lycée) a avoisiné les 5,5 millions élèves, alors que le nombre d’instituteurs n’était que de 225.000, selon les chiffres du HCP. Un gouffre et un manque qui vont se creuser davantage en 2005 après la mise en place du départ volontaire à la retraite dans la fonction publique pour alléger les charges de l’État.

Les résultats de cette politique sont probants, car le nombre de fonctionnaires passe de 510.000 en 2004 à 471.000 en 2006. Une baisse de 39.000  postes dont 13.000  dans l’éducation nationale (enseignants, inspecteurs, directeurs, employés du ministère). Mais cette baisse n’accompagne pas la courbe de croissance du nombre d’élèves dans les écoles marocaines, surtout avec la politique de l’État visant à combattre l’abandon scolaire et l’éducation dans le milieu rural.

Résultat : le nombre d’enseignants est de 220.000 pour près de six millions d’étudiants. À ces problèmes s’ajoutent les départs des professeurs à la retraite qu’il faudra combler. Depuis 2013, le ministère de l’Éducation et ses départements recrutent moins que le nombre de départ à la retraite. En 2013, 8.000 recrues sont venues remplacer 8.526 départs à la retraite et 7.000 en 2014 pour remplacer 11.979 retraités … et les années suivantes ne sont qu’une continuité de cette baisse, ce qui a abouti à des classes de plus 70 élèves, à la place de 30 selon les standards mondiaux en la matière.

 

 Le bricolage comme stratégie

 

Conscient de la crise qui menace l’école marocaine, le ministère de l’Éducation nationale décide de créer 70.000 postes d’enseignants sur l’ensemble du territoire en 2016. Pour s’inscrire dans la logique des baisses des charges, surtout après la hausse de 600 dirhams de salaire en 2011, le gouvernement décide de faire d’une pierre deux coups. Embaucher des enseignants tout en les privant du statut de fonctionnaire et les avantages qui vont avec (CDI, mutuelle, retraite) et en surfant sur la régionalisation avancée en responsabilisant les académies régionales pour dédouaner le ministère de l’Éducation nationale et le budget de l’État.

L’astuce est simple:  financer les salaires des nouvelles recrues par les budgets de fonctionnement du ministère et non celui la masse salariale de l’État, prise en considération par les organismes de la finance internationale si un État souhaite se financer par un crédit. L’option qui paraissait au début provisoire s’est transformée en stratégie de l’État dans certains secteurs de la fonction publique.

Autre argument prôné par le gouvernement: les académies sont plus conscientes des manques à combler et combattre ainsi le chômage au niveau local. Ceci permettra aussi au ministère de se débarrasser d’un problème important qui est celui des affectations et des changements d’établissement scolaire pour les enseignants, le tout avec l’argumentaire de la régionalisation avancée.

 

Et maintenant ?

 

Depuis le début de l’année scolaire, le bras de fer entre les enseignants « contractuels » et le ministère s’éternise et chacun campe sur ses positions. Les premiers réclament l’annexion à la fonction publique, tandis que le ministère fait la sourde oreille. Pour le département de Said Amzazi, les protestataires ont passé des concours pour avoir leurs postes et étaient au courant de tous les détails, notamment le caractère CDD du contrat qu’ils ont signé.

Le dialogue entre les deux parties ne s’est jamais arrêté et a été rythmé par des hauts et des bas. Mardi dernier, le ministère de l’Éducation a tenu une réunion des cinq syndicats du secteur de l’éducation (CDT, UGTM, FNE, UMT et FDT) afin de trouver un arrangement et une sortie de crise au sujet des enseignants contractuels et éviter le sceptre d’une année blanche dans les écoles du royaume.

Ce dimanche, la coordination nationale a annoncé la suspension de la grève et le retour des enseignants contractuel en salle de classe, en attendant l’issue du dialogue du mardi 23 avril, afin de donner suffisamment de temps au ministère de l’Éducation nationale pour finaliser son dossier.

Cependant, les contractuels ne baissent pas les bras et appellent à une grève nationale pour exprimer leur volonté de poursuivre la lutte jusqu’à ce que le ministère réponde favorablement à toutes leurs demandes. En gros, une situation de point mort.

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